L'un parle à visage découvert, Romuald Anger. L'autre préfère aujourd'hui encore ne pas associer son nom à ce qu'il a vécu. Le point commun de ces deux Caennais ? Ils ont tous les deux, dans leur enfance, été victimes d'un prêtre. Pour le premier, tout démarre en 1974. Alors âgé de 9 ans, Romuald, qui a déménagé avec sa famille dans le bocage virois, débute l'orgue auprès du père Alfred Boidoux, prêtre de la paroisse de Lassy. "Dès les premiers cours, ses mains ont commencé à se poser sur mes cuisses. Comme je n'osais rien dire, ça a dégénéré…", raconte-t-il, les yeux et la voix emplis de tristesse. Des agressions que le jeune garçon subira jusqu'à l'âge de 20 ans. "Pour que cela cesse, j'ai dû arrêter la musique."
Des années de silence
Un horrible secret qu'il garde plus de 30 ans enfoui dans sa mémoire. "Lorsque j'étais enfant, le père Boidoux venait manger tous les lundis soir chez mes parents. Il faisait partie de la famille. C'était encore plus dur à révéler", confie-t-il. Et puis un jour de 2016, alors qu'il est âgé de 51 ans, c'est devant l'émission de télévision N'oubliez pas les paroles que Romuald Anger décide qu'il doit parler. "La candidate interprétait L'aigle noir de Barbara. Le présentateur, Nagui, a ensuite eu une parole à destination des enfants pour rappeler que s'ils subissaient des violences, il était important d'en parler", se souvient-il. Il contacte la cellule d'accueil diocésaine des victimes d'abus sexuels dans l'Église. Mgr Boulanger, alors en fonction à la tête du diocèse, n'a alors pas l'once d'une hésitation. Il reçoit le père Boidoux, qui reconnaît les faits, lui interdit de célébrer la messe et tout sacrement, saisit la justice puis révèle l'affaire à la presse. Malgré cela, l'affaire sera classée sans suite, le délai de prescription étant dépassé.
L'autre victime, qui a préféré conserver l'anonymat, a réussi elle à faire juger son agresseur : le père René Bissey. "J'avais 11 ans quand tout a commencé. De jour en jour, il m'a pris sous son aile. C'était un grand manipulateur. J'ai vu d'autres gamins aller dans sa chambre", raconte sans détour cet homme d'aujourd'hui 47 ans qui, à l'époque des faits (1986), vivait au Chemin-Vert. C'est à sa majorité, pendant son service militaire, qu'il décide de tout révéler. "J'étais prêt à me supprimer. Je ne pouvais plus avancer. J'ai porté plainte en 1998. Ça a été le début d'un long parcours."
"Ce n'est pas aux victimes
d'avoir honte"
Un chemin qui a conduit l'un et l'autre à examiner de près le rapport de la Commission indépendante des abus sexuels dans l'Église. "J'ai eu les larmes aux yeux", a confié Romuald Anger. "C'est accablant mais pas étonnant", a relevé la seconde victime.
Sans se connaître, ils engagent tous les deux les victimes à parler. "Ce n'est pas à nous d'avoir honte ni de nous sentir coupables. C'est en disant les choses qu'on peut se reconstruire", concluent-ils avec émotion.
Le diocèse face à ses responsabilités
Le rapport de la commission indépendante des abus sexuels dans l'Église apporte 47 recommandations pour tenter d'éviter ces agissements mais aussi de simplifier leur signalement. Quelles mesures dans le Calvados ?
Accompagner
les prêtres
Le diocèse de Bayeux-Lisieux compte actuellement une centaine de prêtres en fonction. Les révélations du rapport Sauvé, du nom du président de Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église, provoquent chez tous bouleversement et sidération.
Y compris les coupables
"Certains évêques en retraite s'occupent de prêtres coupables. Ils sont toujours accompagnés par l'Église. Nous avons un devoir évangélique devant les auteurs de ces actes. Il existe d'ailleurs une maison d'accueil de ce type à Nanterre, en banlieue parisienne", détaille Monseigneur Jacques Habert (notre photo), évêque du diocèse Bayeux-Lisieux depuis novembre 2020.
2017 : une année décisive
En 2017, Mgr Jean-Claude Boulanger, prédécesseur de Mgr Habert, convoquait la presse pour révéler une affaire d'abus sexuels au sein de son propre diocèse. À la suite de ce signalement, aussi présenté à la justice, il proposait à tous les prêtres une rencontre au cours de laquelle une victime avait pu témoigner de son histoire et des conséquences de son agression sur sa vie.
Des formations pour les laïcs
La même année, Mgr Boulanger organisait aussi une journée de formation pour tous les laïcs en contact avec des mineurs au sein de l'Église.
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