Caen. La sanction pour trois bureaux de Poste

Pourquoi avoir fermé
ces trois bureaux de Poste ?

On a étudié l'activité de ces trois bureaux de Poste [Calvaire Saint-Pierre, Vaucelles, Demi-Lune]. On a perdu un tiers des clients physique, en raison notamment de la digitalisation des services. Ils utilisent La Poste différemment.

La digitalisation remplace
les bureaux de Poste ?

On doit s'adapter aux besoins des clients. Les horaires des bureaux que nous proposons ne conviennent pas aux actifs. S'ils souhaitent retirer un colis après le travail, très souvent les bureaux sont fermés. 70 % des clients de La Banque Postale effectuent leurs opérations à distance. Entre 2015 et 2020, on a doublé le nombre de visites sur le site internet du groupe La Poste.

C'est un choix que vous avez effectué aussi en fonction de la concurrence ?

Aujourd'hui, tous les produits que nous vendons peuvent être trouvés ailleurs. Si on ne s'adapte pas, les clients iront chez la concurrence. Si on veut continuer d'exister, il faut qu'on soit présents, mais sous des modalités différentes, et qu'on laisse le choix aux clients.

Pensez-vous fermer d'autres bureaux de Poste prochainement ?

On est dans le bon partage de ce que l'on souhaite faire. Il y a des opérations pointues qui ne peuvent être effectuées uniquement en bureau de poste. Il faut un bon équilibre et encore une fois laisser du choix au client.

D'un côté, la municipalité et le groupe La Poste y voient un changement d'habitudes lié aux évolutions de consommation. De l'autre, les syndicats dénoncent la perte d'un service de proximité. C'est certain, la fermeture des bureaux de Poste de Vaucelles, la Demi-Lune et du Calvaire Saint-Pierre fait du bruit. "On s'y attendait, déplore François Marcault, représentant syndical Sud. Mais peut-être pas de manière aussi brutale." Joël Bruneau, lui, en aurait été informé au préalable. "Ce n'est pas une excellente nouvelle pour les habitants, mais La Poste est une entreprise qui a une mission de service public. Elle va simplement le rendre différemment, je peux le comprendre car les besoins évoluent." Pas sûr que l'argument séduise Vianney Jean, représentant syndical FO. "Vendre des timbres et affranchir des lettres fait justement partie des services de La Poste."

Ces trois bureaux de Poste sont situés près de la gare SNCF et dans un quartier nord de la ville, soit deux quartiers populaires. Si des relais postaux devraient être installés pour gérer tout ce qui est envoi de courrier, rien, dans ces quartiers, ne devrait remplacer les services bancaires de La Poste. "Elle a une mission de banque, et notamment pour les populations les plus fragiles. Son retrait des quartiers populaires est complètement antinomique avec une mission de service public demandée par l'État", regrette Antoine Casini, conseiller départemental sur le canton de Caen 3.

Une perte de proximité dénoncée par 
les syndicats

Au Calvaire Saint-Pierre, un distributeur automatique de billets devrait toutefois être installé, d'après La Poste. Cette dernière avance un autre argument : la baisse de la fréquentation dans ces trois bureaux expliquerait leur fermeture. "La dernière fois que je suis allée au Calvaire saint-Pierre, il y avait la queue toute la matinée !", dit en colère Jean Vianney. En moyenne à Vaucelles, une vingtaine de personnes en une heure entre dans le bureau de Poste. "Lorsqu'on organise des fermetures intempestives, les clients sont enclins à partir", avance Antoine Casini. François Marcault évoque de son côté un problème beaucoup plus large.

Selon lui, cette décision est liée à des raisons économiques et sociétales. "Les personnes qui fréquentent le plus ces bureaux de Poste sont les personnes les plus défavorisées, victimes de la fracture numérique. La Poste n'enregistre pas d'opérations à plus-value. Ils ne fermeront jamais les bureaux situés dans les quartiers prioritaires de la ville." La vétusté du site du Calvaire Saint-Pierre pourrait aussi peser dans la balance. Cette perte du service de proximité affole les syndicats. Le maire de Caen y voit quant à lui une réorganisation. "Les relais postaux permettront d'avoir des horaires plus larges pour les opérations quotidiennes."

Alors, quel avenir pour La Poste à Caen ? "Certains quartiers comme la Presqu'île ou Clemenceau vont drainer de nouveaux habitants : ça peut aussi amener La Poste à réfléchir." Les syndicats sont, eux, plus pessimistes. Les bureaux de la Folie Couvrechef ou de Vendeuvre pourraient être les prochains rayés de la liste.

En 2016, la Ville de Caen comptait encore 14 bureaux de Poste. En 2017, trois ont fermé : ceux de Reine Mathilde, Guillaume le Conquérant et Venoix. Dans ces quartiers, où La Poste est synonyme de proximité, quelle a été la réaction des habitants ?

"Au début, ça n'a pas été bien pris, explique Anne Barbotin, gérante du Carrefour City rue de Bayeux depuis six ans, qui dispose, depuis la fermeture du bureau Guillaume le Conquérant, d'un relais postal. C'est comme si on volait le travail du facteur. Puis les gens s'y sont faits." Même constat dans le quartier Venoix. Depuis la fermeture du bureau de Poste, le relais postal est installé au bar tabac La Gazette. Bernard James, installé dans le quartier depuis 1966, a vu les changements, notamment celui de la fermeture du bureau de Poste : "Je l'ai très mal vécu au début. Heureusement que l'on peut réaliser ses opérations quotidiennes au point relais. Mais ce qui manque surtout, c'est le distributeur automatique de billets. Maintenant, lorsque je veux retirer de l'argent, je vais dans le quartier d'à côté et je retire plus d'argent pour éviter de devoir y retourner trop souvent puisque ce n'est plus à côté." Marie-Anne Piette, originaire de Belgique, était elle aussi présente lors du changement. "Au début, c'était compliqué parce que j'envoie beaucoup de colis et de lettre à mes petits-enfants en Belgique, mais on a pris l'habitude." Pour Jean-Claude Leclerc, qui travaille juste à côté du tabac, il y a des avantages, comme "les horaires d'ouverture plus large."