"Il est clair que l'on manque de praticiens dans la région." Alexandre Yactine, jeune dentiste en banlieue caennaise, ne passe pas par quatre chemins. À la campagne ou dans une ville de plus de 100 000 habitants, c'est le même combat, les dentistes se font de plus en plus rares. À Caen, ils sont 117 dentistes référencés, soit en moyenne un dentiste pour 1 000 habitants. Un problème dont a conscience Alexandre Yactine, qui s'est installé dans l'agglomération il y a quatre ans, avec quatre autres dentistes. "Si on prenait tous les patients qui arrivent, il y aurait des listes d'attente énormes. C'est ingérable pour les patients, mais aussi pour les praticiens." Comme beaucoup de ses confrères, il "verrouille" le nombre de nouveaux patients afin de trouver un équilibre. "On ne peut pas le faire attendre un an. Ça n'a aucun sens d'un point de vue thérapeutique. On préfère ne pas prendre de nouveaux patients pour une meilleure prise en charge."
"On aurait de la demande pour travailler 7 jours sur 7"
Mais alors, que faire des nouveaux patients ? Le flou persiste. "Bonne question ! Le problème, c'est qu'il y a une répartition géographique inéquitable en France. Il faut réussir à en attirer ici, lâche le chirurgien-dentiste. On est contents quand de nouveaux dentistes s'installent. On envoie les nouveaux patients vers les nouveaux cabinets." Le hic, c'est que la demande est supérieure à l'offre dans l'agglomération caennaise. Les nouveaux cabinets vont être rapidement confrontés à la même surcharge.
Des créneaux réservés pour les urgences ou suivis réguliers
Mathilde Bouvier, directrice régionale d'un cabinet en centre-ville, fait le même constat. "C'est impossible de trouver un rendez-vous du jour pour le lendemain, même en urgence." Alors, selon l'urgence du rendez-vous, Alexandre Yactine, lui, réserve des plages horaires spécifiques "pour dévitaliser une dent à la suite d'une rage de dents, faire un appareil, etc. Tout ce qui nécessite une prise en charge rapide ou un suivi régulier." Bilans, détartrages, traitements des caries, poses d'implants… Il existe pléthore de raisons de prendre soin de son hygiène bucco-dentaire. Alexandre Yactine ne se cache pas. "Notre emploi du temps s'organise au cas par cas selon le besoin. J'essaye de ne jamais avoir plus de deux mois de délai." Afin de réduire l'attente, il est aussi prêt à élargir ses horaires. Il examine de 9 heures à 13 heures et de 14 heures à 18 h 30, du lundi au jeudi, sans oublier les tâches administratives. "Pour les urgences, on essaie de trouver un créneau dans la journée. Je déborde souvent sur ma pause déjeuner ou ma fin de journée. C'est une gymnastique dans l'agenda. Si on voulait, on aurait de la demande pour travailler sept jours sur sept, mais je suis sûr que ça ne suffirait pas !" La preuve, "on reçoit entre 30 et 40 appels par jour pour de l'urgent, confie Mathilde Bouvier. On ne peut pas accepter tout le monde. On les oriente vers l'hôpital le plus proche ou on leur donne le numéro d'un dentiste de garde."
"Quand on a un dentiste qui nous suit, on ne le lâche pas"
Trouver un nouveau dentiste n'est pas une mince affaire à Caen. Quelques patients témoignent.
Dans la salle d'attente du cabinet dentaire, tous les patients font le même constat : l'attente est longue pour prendre rendez-vous avec un dentiste. L'un a pris rendez-vous en mai pour le mois de septembre, l'autre vient au cabinet pour tenter de trouver un créneau… C'est un véritable parcours du combattant pour aller soigner ses petites quenottes. Et la Covid-19 n'a pas aidé les praticiens, contraints de décaler leurs plannings.
Cinq mois d'attente
Stéphanie Fritz n'a pas pu faire son contrôle l'an dernier. Alors cette fois, toute la famille passe entre les mains du dentiste. "On a fait un convoi en famille. J'ai pris rendez-vous pour ma maman, mes deux enfants et moi", sourit la mère de famille de 45 ans qui a dû patienter cinq mois. "J'ai posé une journée de congés pour venir ici. Le problème, c'est qu'en sortant, il faudrait presque prendre rendez-vous pour l'année prochaine." Elle s'estime quand même chanceuse. Habitant Bénouville, elle a suivi sa dentiste qui s'est installée aux portes de Caen il y a quatre ans. "On s'entend bien avec elle. Quand on a confiance en notre dentiste, on ne change pas !" Au risque de ne pas trouver un dentiste qui l'accepte en tant que nouvelle patiente. En cas d'urgence - une de ses dents, cassée, s'est infectée au mois d'avril - "j'ai été prise en charge en trois jours. Avec les antibiotiques, j'ai tenu le coup et je comprends les dentistes, ils sont déjà surchargés."
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