Elle se souvient de ses lèvres "toutes noires, comme brûlées" et de son visage tuméfié. En la voyant sur son lit d'hôpital, Magali, sa fille, lui a dit : "Maman, mais quelle bêtise as-tu faite ?" A ce moment précis, Mamie Brigitte, 82 ans à l'époque, était encore consciente. Elle a répondu d'un filet de voix, comme une enfant : "Je t'assure, je n'ai fait aucune bêtise."
Elle s'est endormie peu de temps après. Magali, 56 ans, maman de trois enfants, trois garçons, l'a accompagnée avec sa sœur Nathalie jusqu'à son dernier souffle. Leur frère Olivier n'était pas loin. Tous les trois pleurent aujourd'hui encore une mère qui s'en est allée ce jour d'octobre 2019 sans qu'ils sachent réellement ce qui a bien pu se passer. "Le médecin nous a dit : 'C'est fichu. Il faut maintenant la laisser partir.' Alors on l'a laissée s'en aller en lui disant au revoir et merci pour tous les bons souvenirs qu'elle nous laissait."
Le tribunal de Rouen
recherche les responsabilités
Brigitte Guimont s'est éteinte le 19 octobre 2019, après quatre jours de coma. Elle avait absorbé, à l'Ehpad de la Ruche d'Elbeuf, un verre de détergent qui lui a été fatal, du lufrabo. "Dix fois plus puissant que du Destop", dit son fils Olivier. Pourquoi avoir avalé ce produit placé dans le local de la blanchisserie de l'Ehpad, où la vieille dame n'aurait jamais dû aller ? Comment et pourquoi s'est-elle rendue dans ce lieu a priori inaccessible et pourquoi ce verre de détergent était-il à portée de mains ?
Cette énigme a été décortiquée récemment par le tribunal de Rouen : la Croix Rouge, gestionnaire de l'établissement de soins où Brigitte Guimont, victime de la maladie d'Alzheimer, avait été placée quelques semaines auparavant, a été condamnée pour "homicide involontaire par personne morale". Les juges ont estimé qu'il y avait visiblement eu négligence. Au moment de l'accident, un seul aide-soignant, un jeune homme de 20 ans, alors peu expérimenté, se trouvait seul pour encadrer douze patients lourdement handicapés comme l'était Mamie Brigitte. Sa responsable chef de service était, elle, en réunion, occupée à faire autre chose. La Croix Rouge a fait appel de la décision de justice prononcée par le tribunal.
La maison du bon Dieu
Brigitte Guimont était une "femme aimante et aimée, si douce et pleine d'attention aux autres", disent ses enfants. C'est peu de le dire : leur maman, originaire de Mont-Saint-Aignan, consacra sa vie aux enfants abandonnés, qu'elle éleva comme assistante maternelle pendant une bonne trentaine d'années chez elle, dans la région de Tôtes. Un vrai sacerdoce pour cette femme née sous X, qui savait mieux que personne la douleur de devoir grandir sans parents.
Sa maison, c'était celle du bon Dieu. Magali, Nathalie et Olivier, les propres enfants de Brigitte, ont vécu aux côtés de leur mère et des enfants qu'elle accueillait chez elle. Trois d'entre eux, issus d'une même fratrie, Jean-François, Rémi et Jean-Pierre, abandonnés par leur mère et arrivés chez les Guimont à l'âge de quelques mois, ont compté peut-être plus que les autres. "Nous les considérons aujourd'hui comme nos propres frères", affirme Magali.
À la retraite, Brigitte Guimont s'était beaucoup investie dans la vie de sa paroisse Notre-Dame de l'Assomption, à Sotteville-lès-Rouen. Elle était membre de l'équipe pastorale. Elle était également bénévole à la maison de retraite de Sotteville. Elle adorait aussi les animaux. Depuis qu'elle n'est plus là, Minette, sa chatte adorée, a retrouvé une nouvelle famille.
De là où elle est, Mamie Brigitte doit être fière de ses enfants : ils lui ont emboîté le pas. Magali fut, comme elle, assistante maternelle, Nathalie s'occupe des malades d'Alzheimer et Olivier est pompier volontaire dans le civil. Mamie Brigitte, qui aimait tant les enfants, était une belle dame, une jolie grand-mère.
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