Cette scénographie originale, organisée grâce au concours du Musée des traditions et arts normands du château de Martainville, se décline en deux espaces d'exposition à Rouen : au Théâtre des arts et à la Maison Marrou. Dans un décor très travaillé et une ambiance suggestive, elle nous plonge dans les pages de Flaubert, à la découverte d'une héroïne dont l'aura ne faiblit pas.
Cadre intime
Organisée sur une dizaine de pièces réparties sur les trois niveaux de la Maison Marrou, localisée à deux pas de la gare de Rouen, l'exposition met en avant les moments phares de la vie de Madame Bovary. Grâce au mobilier, aux vêtements et aux objets, principalement issus des collections du Musée de Martainville, le spectateur est invité à déambuler dans les pièces reconstituées d'un intérieur bourgeois : salle à manger, bibliothèque ou chambre à coucher. Mais bien plus qu'un simple décor, il s'agit d'une expérience immersive à laquelle l'exposition invite le visiteur. Chaque pièce résonne en effet d'une ambiance particulière : si, dans la chambre conjugale, le tic-tac de l'horloge et le bruit de la pluie sur les carreaux contribuent à évoquer l'ennui de Madame Bovary, la chambre d'hôtel au lit défait garde la trace des ébats de l'héroïne et de la passion qui s'y vit.
Héroïne désincarnée
Le formidable défi de cette exposition repose sur cette illusion qu'Emma vient tout juste de quitter les lieux. Sa présence est à la fois fantomatique et entêtante, et son parfum, créé spécialement pour l'exposition par un parfumeur rouennais, hante encore les lieux. Si le spectateur s'attend à la croiser d'un moment à l'autre en entendant les froissements du tissu de sa robe, il devine aussi sa silhouette en négatif dans les vêtements jetés en hâte dans le cabinet de toilette : bottines, bas, culottes. Car c'est par son absence que brille encore de son aura l'héroïne flaubertienne. Comme l'auteur qui s'applique à donner des accents de vérité à son récit, l'exposition se joue des rapports entre réalité et fiction en sollicitant tous les sens du spectateur.
Personnalité ambivalente
L'exposition immersive révèle également, avec beaucoup de subtilité, les faiblesses d'Emma : son goût pour les beaux vêtements et sa vie rêvée dans les gazettes de modes, ses pulsions mystiques interrompues par les appels de la chair, son sentiment ambivalent à l'égard de son enfant, partagée entre l'indifférence et les effusions démonstratives. Mais à travers le destin d'Emma, c'est la condition féminine que questionne l'exposition, donnant au roman une formidable modernité. En effet, à la fois mère et épouse, Emma fut aussi une victime et, à travers les péripéties qu'elle a vécues et que raconte en filigrane ce parcours immersif, l'exposition témoigne de la contemporanéité du sujet.
Pratique. Jusqu'au 14 novembre, Maison Marrou et Théâtre des arts de Rouen. 0 à 5 €. chateaudemartainville.fr
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.