Pour quiconque est originaire du Havre et vit dans une région lointaine, c'est comme un pèlerinage. Qu'il pleuve, qu'il vente ou qu'il fasse soleil sur la plage, croquer dans les croustillons des Frites à Victor rassure, réconforte. La fine couche croustillante, le moelleux de la pâte à beignet, sans oublier les perles de sucre à lécher sur les doigts. "Sur le paquebot Ile-de-France, ils en servaient au goûter. Mon grand-père y a travaillé comme cuisinier", confesse Victor Bourel.
"Peu importe le temps, on est ouverts"
À 60 ans, il est aujourd'hui la troisième génération de la famille à contenter les papilles des plagistes du Havre. Sa baraque blanche et bleue est la première de la promenade, façon navire amiral. "Je vois la mer, les bateaux de croisière, les vagues qui passent par-dessus la digue les jours de tempête. C'est un spectacle dont on ne se lasse pas, il n'y a jamais les mêmes couleurs." Victor est sur le pont sept jours sur sept, de la fin mars à la fin octobre. "Peu importe le temps, nous sommes toujours ouverts", poursuit le patron, qui a toujours travaillé dans la friterie familiale, autrefois un peu plus éloignée du front de mer. L'affaire a été montée par ses grands-parents maternels, Armandine et Victor Chouland. "Ils tenaient un hôtel-pension à Lisieux, mais mon grand-père avait pris l'habitude de payer le champagne aux pensionnaires. Ma grand-mère en avait marre, ils n'avaient pas un rond ! Alors ils sont venus au Havre pour faire des frites et des croustillons." Nous sommes alors en 1927, comme l'indique le fronton du commerce.
Les Géants, le France, l'Unesco…
Plus tard, à sept ans, le petit Victor Bourel déambule entre les cabines de plage pour vendre des cacahuètes aux clients fidèles. Un CAP d'aide comptable et un BEP d'agent administratif en poche, il reprend ensuite l'affaire, avec sa mère à ses côtés, derrière le comptoir jusqu'à l'âge de 80 ans. Au fil des ans, la famille a vu la plage évoluer, le parking rétrécir. "On a essuyé les plâtres de chaque aménagement", se souvient Victor. Le commerçant est aussi aux premières loges pour les grands événements, comme les visites des Géants de Royal de Luxe. "Les gens faisaient deux heures de queue pour une petite frite !" De quoi rappeler la grande époque du France, avant le désarmement du paquebot, quand "des cars entiers de touristes" se rendaient au Havre. Depuis, le patrimoine de la cité Océane a tapé dans l'œil de l'Unesco qui favorise sa renommée mondiale. Le commerçant sourit : "Certains clients m'ont dit : 'ils ont oublié de vous classer, vous !'."
Une affaire de famille
Victor Bourel travaille avec son épouse, Catherine, chargée de la comptabilité et de l'entretien. Derrière le comptoir, on retrouve aussi Caroline, sa belle-fille, pacsée à… Victor, son fils. La recette des croustillons a de beaux jours devant elle. "Elle se transmet de façon orale. Mais mon petit-fils de 15 ans m'a dit un jour qu'il faudrait que je la mette dans un coffre, à la banque !"
Pas de tempête…
Le vendredi 25 septembre 2020, une mini-tornade a ravagé 72 cabanes et quatre restaurants de la plage du Havre. Les Frites à Victor n'ont pas été touchées. "Nous sommes toujours passés au travers des tempêtes." Autrefois, la friterie était une simple cabane en bois. Elle est aujourd'hui bâtie dans deux conteneurs. "C'est du solide." Un incendie avait toutefois secoué le commerce en 1996.
... mais des remous !
Victor Bourel a connu quelques sueurs froides. En 2004, il fait partie des quelques commerçants à ne pas avoir obtenu de renouvellement pour s'installer sur la plage, à l'époque. "Cela avait finalement pu être réglé grâce au maire de l'époque Antoine Rufenacht." En 2018, c'est un texte réglementaire qui avait inquiété le patron de la friterie… qui a toutefois pu se réinstaller l'été suivant.
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.