Le bio est partout. En bon français, cela se nomme le greenwashing. En grande distribution, impossible de rater ces rayons où le mot à trois lettres et la couleur verte s’affichent en grand. Pourtant, le bio, ou la bio, c’est selon, n’est pas né de la dernière pluie. Des retraités aux jeunes bobos et enseignants, en passant par les militants écologistes les plus acharnés, le panorama n’est pas toujours simple à décrypter.
Boutiques, restaurants, supermarchés
"Quand nous avons ouvert notre restaurant, il y a sept ans, le bio, à Rouen, c’était désertique", raconte Fabien Boissel, gérant avec son frère Cyrille, du Chenevis, le seul restaurant bio du centre-ville (photo). "Aujourd’hui, cela se développe, on sent des volontés". Dans cet établissement atypique, tout ce qui est servi provient de l’agriculture biologique. Les frères Boissel ont dû constituer leur réseau, aller à la recherche de producteurs locaux. Problème : il y en a peu.
Avec à peine 1% de sa Surface agricole utile (SAU) consacrée au bio, et 153 exploitations en 2010, la Haute-Normandie, 20e région de France dans ce domaine, est à la traîne. Pourtant, la demande est bel et bien là, illustrée par l’essor actuel des AMAP (Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne), permettant aux consommateurs d’acheter directement des produits (généralement bio) aux producteurs des environs, via un système de paniers livrés régulièrement. L’agglomération rouennaise en compte une douzaine.
Les magasins bio ne sont pas en reste. On en trouve partout. Rue du Petit Salut, à deux pas de la cathédrale, Florence et Luis Otero-Chinot ont repris en 2010 les rênes d’une boutique créée il y a près de quarante ans. "Il y a toujours eu des gens désirant consommer des produits naturels", explique la gérante. Ici, des retraités côtoient des jeunes végétaliens. On vient y acheter des produits frais, des compléments alimentaires et des cosmétiques. "Les clients cherchent des conseils et des produits que l’on ne trouve pas ailleurs". Bientôt, le couple ouvrira un point de restauration rapide... bio, évidemment. Plus à l’est, à Amfreville-la-Mivoie, Pascal Malagoli est un cas exemplaire de ces nouveaux convertis.
Fin 2009, après plusieurs années au service de la grande distribution qui ont fini par le dégoûter, il a ouvert un magasin Biocoop. Avec ses 350 m2 et ses 8.500 références en rayons, le lieu ressemble à un petit supermarché, comparé aux boutiques de ville. Mais le principe est le même : tisser des liens avec des producteurs locaux, jouer la coopérative et exiger le commerce équitable pour les produits importés. "Nous faisons tout pour proposer des prix abordables, notamment en évitant l’étape du semi-grossiste et en proposant des produits en vrac", explique le gérant. Il vend de tout, du fruit sec à la tisane, en passant par des yaourts, de la lessive verte, des composteurs pour appartement ou du pâté pour chat. "Je me dois d’avoir un large choix et bien faire mon métier de distributeur". L’art de faire du commerce sans renier ses valeurs.
Thomas Blachère
"Un vrai déficit de producteurs locaux"
Pas facile de faire vivre un marché 100% bio. Lancé en 2009, celui de la place Lelieur, à Rouen, fait déjà partie du passé. "Avec le bio, la saisonnalité complique les choses", analyse Aurélien Guilmard, directeur de la tranquillité publique à la Ville de Rouen, en charge des foires et marchés. "En hiver, un marché qui ne propose que des pommes de terre, ce n’est pas très attractif". Pour corser le tout, fin 2011, la faillite de l’AMAP Repainville, qui fournissait le marché bio, a donné le coup de grâce à cette initiative montée à l’origine avec l’aide du GRAB, le Groupe de recherche en agriculture biologique.
"Il y a un vrai déficit de producteurs bio. Ceux qui existent ont déjà un point de vente, déplore Aurélien Guilmard. Et puis les Rouennais qui cherchent du bio vont plutôt le dimanche place Saint-Marc". Néanmoins, la Ville n’a pas abdiqué et réfléchit actuellement à redonner une vraie place au bio au sein des marchés rouennais.
Repères
6 019. C’est le nombre d’hectares de surfaces agricoles dédiées au bio en Haute-Normandie. Entre 2009 et 2010, les surfaces en conversion ont doublé. Mais la région a du retard.
Cantines. Depuis la rentrée scolaire 2011-2012, Rouen propose régulièrement des produits bio dans ses cantines, passées pour l’occasion en régie directe.
Fac Verte. Même l’université de Rouen a son AMAP. Créée en 2005, cette dernier fournit des paniers à une quarantaine de membres, étudiants ou personnels.
Histoire. Evoquée depuis les années 1920, l’agriculture biologique se définit par un respect de la nature et de ses cycles. Elle est structurée mondialement depuis 1972.
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