Claude Muhayimana était employé municipal à Rouen, et Charles Twagira, médecin à Vire. Ils vivaient une vie discrète et paisible en Normandie. Mais en 2014, ces Hutus ont été arrêtés. La raison : ils sont soupçonnés d'avoir participé au génocide des Tutsis, qui a fait près d'un million de victimes en 1994. Le procès de Claude Muhayimana aura lieu à la fin de l'année, en novembre. Quant à Charles Twagira, son dossier est toujours en cours d'instruction. Alain et Dafroza Gauthier, fondateurs du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), avaient déposé une plainte contre lui en novembre 2009. "La France et la Belgique abritent le plus de génocidaires présumés", explique Alain Gauthier. "Il y a un réseau important de génocidaires à Rouen, Orléans, mais aussi au Havre."
Alain et Dafroza Gauthier sont souvent comparés au couple Klarsfeld qui a traqué pendant des décennies les responsables nazis impunis.
Après le génocide en 1994, beaucoup ont fui le pays, dont des génocidaires. Au début des années 2000, l'Association des Rwandais en Normandie (ARN) est créée. La structure devient l'Association pour la promotion culturelle rwandaise à partir de 2006, et est soupçonnée d'avoir facilité la fuite de génocidaires en France. Elle a été fondée par Jean de Dieu Ngabonziza. Ce dernier est le beau-frère d'Aloys Ntiwiragabo, chef du renseignement militaire du gouvernement génocidaire pendant les massacres, résidant à Orléans. La justice française a ouvert une enquête préliminaire à son encontre en juillet 2020. Emmanuel Ruzindana a également vécu à Rouen. Décédé aujourd'hui, il a été un personnage-clé de l'ARN et de l'implantation progressive en France des génocidaires présumés. "Même si Monsieur Ruzindana n'a pas été un membre actif au cours du génocide, il a fortement participé à l'arrivée de plusieurs génocidaires en Normandie", assure Alain Gauthier. Ce dernier estime aujourd'hui que près de 300 génocidaires sont sur le territoire français.
Le dernier génocide du XXe siècle
En 1994, le dernier génocide du XXe siècle éclate au Rwanda. Les Tutsis sont décimés par les Hutus extrémistes. En l'espace de trois mois (du 7 avril au 17 juillet), près d'un million de Tutsis ont été massacrés.
Entre 1990 et 1994, la guerre civile rwandaise opposait le président Juvénil Habyarimana, soutenu par les Hutus extrémistes, et les forces exilées tutsis, le Front patriotique rwandais (FPR). Depuis plusieurs décennies, la haine contre les Tutsis s'était progressivement ancrée au sein de la société rwandaise. Au moment du génocide, le gouvernement mené par les extrémistes hutus et la France entretenaient des liens diplomatiques étroits. Certains accusent la France d'avoir tenu un rôle ambigu avant, pendant et après.
Le 5 avril 2019, le président de la République Emmanuel Macron institue la Commission française d'historiens sur le rôle de la France au Rwanda (1990-1994), plus connue sous le nom de commission Duclert, pour tenter de clarifier les failles de l'État français pendant cette période sombre.
Des historiens, dont Vincent Duclert, qui dirigeait la commission, des chercheurs et des journalistes ont travaillé pendant deux ans. Le rapport final a été remis au président de la République, le vendredi 26 mars 2021.
Alain et Dafroza Gauthier traquent les génocidaires hutus
Le 7 avril 1994, le massacre des Tutsis au Rwanda commence. Tout bascule pour Dafroza Gauthier et son époux Alain, alors installés à Reims. Elle y perdra notamment sa mère, ainsi que de nombreux proches. Au début des années 2000, Alain Gauthier, professeur de français à la retraite, et Dafroza Gauthier, ingénieure chimiste à la retraite, se lancent dans la traque des génocidaires. Ils créent le Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR) afin d'obtenir que les auteurs des crimes de génocide comparaissent devant la justice.
Mais leur travail ne s'arrête pas là. Le couple se rend régulièrement au pays des milles collines pour y recueillir des témoignages de victimes et d'auteurs du génocide. Une démarche qui participe à un travail de mémoire crucial autour de ce drame.
Lors des procès à la Cour d'assises, le CPCR se porte partie civile. En février 2009, il dépose une plainte contre Pascal Simbikangwa. Une information judiciaire est ouverte le 9 avril 2009 : l'ancien officier rwandais proche du pouvoir extrémiste est mis en examen le 16 pour génocide et complicité de crime contre l'humanité par la Cour d'assises de Paris. Pascal Simbikangwa a été condamné à 25 ans de réclusion criminelle le 14 mars 2014. C'est le premier procès envers un génocidaire en France qui aboutit à une peine de prison.
Le CPCR se porte aussi partie civile lors du procès de Tito Barahira et Octavien Ngenzi, qui seront condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité pour génocide et crime contre l'humanité le 6 juillet 2016. Un autre procès doit avoir lieu en novembre 2021, celui de Claude Muhayimama.
L'année 2021 marque la 27e commémoration du génocide des Tutsis. Seulement trois génocidaires en France ont été arrêtés depuis, alors que le pays est, avec la Belgique, le principal foyer de génocidaires.
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