Éric Mézan est "tombé amoureux du Perche". Installé dans l'Orne depuis une dizaine d'années, il est artiste plasticien et commissaire d'exposition. "De plus en plus, les créateurs veulent s'installer en campagne pour trouver de l'inspiration", glisse-t-il.
Il a posé ses valises à Boissy-Maugis, au beau milieu de l'hiver 2010. Sa première maison était une demeure de "sorcière" ou de "fée". "Chaque fois qu'on ouvrait une porte, il y en avait une autre derrière, puis encore une autre", explique-t-il. Les yeux qui brillent, Éric a comme un pincement au cœur lorsqu'il parle de cette petite bâtisse qu'il a laissée derrière lui.
L'art pour exister
Depuis deux ans, il habite à Bellême. Dans cette commune, la forêt se trouve à quelques centaines de mètres seulement. C'est cet attachement à la terre qu'est venu chercher Éric. "Il y a une nature très présente et importante pour moi." Le sol normand sur lequel il se ressource est aussi celui qu'il travaille. Il y a quelques mois, Éric a utilisé de l'argile pour faire des autobiographies. En réalisant le moule de son visage et avec des gestes minutieux, il a fabriqué des masques en faïence émaillée. Il les a ensuite disposés parmi les arbres de la forêt de Bellême. Des semaines après, personne ne les a volés, "sans doute parce que les gens doivent être surpris lorsqu'ils tombent dessus". Éric ne vit pas de l'art : en parallèle, il est apiculteur. Vivre seulement de l'art, "c'est possible", mais "c'est un choix", exprime-t-il. Pour l'artiste, gagner sa vie grâce à ses créations, c'est ne pas être "libre de les penser". Notamment parce qu'en dépendant des productions - donc de l'aspect pécuniaire - "les artistes doivent créer des projets commerciaux". Ainsi, "les œuvres sont biaisées".
Un besoin de partage
Depuis son arrivée dans ce petit village "où on peut aller dans les bars quand il n'y a pas la Covid", Éric a en tête, avec la romancière Nane Beauregard, de fonder un lieu destiné à regrouper plusieurs artistes - céramistes, écrivains, sculpteurs… Ensemble, ils ont entamé des recherches pour trouver le bien idéal. Le duo d'artistes est tombé sur un pavillon des années soixante-dix à vendre dans une petite ruelle de Bellême. "Ça a tout de suite été le coup de cœur." Ils l'achètent et l'appellent la Villa des Illusions. La bâtisse est "dans son jus et elle le restera", indique Éric, avant de poursuivre, "nous avons réalisé le minimum de travaux pour installer l'atelier dans le sous-sol. Même le papier peint a été conservé."
La Villa des Illusions se situe à Bellême.
Dès le printemps, les artistes qui se retrouveront dans la Villa des Illusions pourront dialoguer et échanger. "Nous travaillons généralement seuls, mais si on peut être à quatre, six, ou huit mains, ça peut être intéressant pour tout le monde. Cette dimension de collaboration est très importante", dit-il en buvant sa tasse thé. Le pavillon possède plusieurs pièces dont le rôle de chacune est bien défini. L'espace de vie permettra de réaliser des performances, de lire, ou tout simplement discuter. Au sous-sol, l'atelier de céramique peut être partagé, Éric propose de faire de "l'aide à la production" aux artistes qui ne connaîtraient pas cette branche de l'art. Le grenier est comparable au paradis des littéraires. Dans les combles, ils pourront "dévorer des livres" d'art mis à disposition, mais aussi "écrire les leurs". La pièce maîtresse est la salle d'exposition, le "cube blanc", comme l'appelle son propriétaire. Là où il espère pouvoir exposer aux yeux de tous "le plus rapidement possible".
Une partie du garage a été transformée en atelier pour accueillir les artistes.
La salle d'exposition est surnommée le "cube blanc".
La pièce de vie où seront réunis les artistes permettra les performances, le dialogue, la lecture…
Le jardin de la Villa des Illusions.
Un lieu de dialogue
À son arrivée à Bellême, Éric Mézan a tout de suite ressenti le besoin d'acquérir un second atelier en Normandie - il en possède un autre à Paris -, non seulement pour travailler, mais également pour accueillir des artistes venus de tous les horizons. La Villa des Illusions permet d'échanger sur divers sujets artistiques ou de réaliser des performances. Au printemps - date d'ouverture -, le jardin permettra aux artistes de laisser libre cours à leur expression sous le soleil de Normandie. Cet espace inclut également le "petit frère" du pavillon, un cabanon aménagé pour accueillir les invités. "Il y a même une petite cheminée !"
Développer l'espace vert
L'année prochaine, le duo d'artistes de Bellême souhaite développer le jardin. Arrivés il y a quelques mois, juste avant l'hiver, ils n'ont pas eu le temps de commencer à en prendre soin. Mais l'idée de faire pousser des plantes médicinales a germé dans la tête d'Éric. "Nous sommes situés entre l'EHPAD et la forêt, ça me semble important de se pencher sur cette dimension." Aujourd'hui, la parcelle reste vide, seuls les oiseaux passent de branche en branche, mais Éric n'en démord pas, il compte faire le maximum pour pouvoir donner vie à ce "petit bout de nature".
L'art pour tous
La salle où sont exposées les œuvres sera parfois ouverte au public. "C'est aussi le but du projet", rappelle Éric. Lorsque les conditions le permettront, il se fera un plaisir d'initier à l'art les amateurs qui le souhaitent. L'enjeu est de développer des formations de sensibilisation à la céramique. "Ceux qui le souhaitent peuvent me contacter sur les réseaux sociaux pour prendre un rendez-vous, ce serait avec joie", explique Éric, en rappelant qu'il n'est pas "un lieu public ouvert tous les jours". La Villa des Illusions tient un nom mûrement réfléchi. Ce choix, Éric l'explique : "Nous avons tous besoin d'avoir des illusions, et puis, parfois, on a des désillusions dans la vie."
Une ouverture en retard
La Villa des Illusions a déjà pris six mois de retard, son inauguration devait avoir lieu à l'automne 2020. Mais ce n'est "pas si grave", précise le porteur du projet. Éric n'a pas l'obligation d'accueillir du public pour rentabiliser les investissements. Au contraire, il voit ce retard comme une "opportunité" permettant d'affirmer qu'il y a de la place pour les projets comme celui-ci. "Aujourd'hui, les choses sont en train de changer parce que nous sommes en crise. Deux choix s'offrent à nous, tout arrêter, ou continuer à inventer, nous avons choisi la seconde option."
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