L'armée a mis brutalement fin lundi à la fragile transition démocratie du pays, en instaurant l'état d'urgence pour un an et en arrêtant la cheffe de facto du gouvernement civil Aung San Suu Kyi ainsi que d'autres responsables de son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND).
Deux jours après ce putsch, condamné par de nombreuses capitales étrangères, les premiers signes de résistance émergeaient sur les réseaux sociaux.
Un groupe nommé "le mouvement de désobéissance civile" a été lancé sur Facebook et comptait mercredi matin près de 150.000 abonnés. "Honte à l'armée", "les militaires sont des voleurs", pouvait-on lire sur cette page où des médecins et infirmières n'hésitaient pas à annoncer leur volonté de protester.
"Nous obéirons uniquement à notre gouvernement élu démocratiquement", ont écrit ces professionnels de santé dans une déclaration commune, alors que l'armée conteste les législatives de novembre, remportées massivement par la LND.
"Nous avons arrêté de nous rendre dans les hôpitaux qui sont placés maintenant sous une autorité militaire illégitime", est-il ajouté.
Mardi soir, dans le quartier commerçant de Rangoun, la capitale économique, des habitants ont klaxonné et tapé sur des casseroles pour protester, certains scandant: "Vive Mère Suu!" (Aung San Suu Kyi).
Pressentant les événements, cette dernière, qui serait aujourd'hui assignée à résidence, a exhorté la population à "ne pas accepter" le coup d'Etat dans une lettre écrite par anticipation avant son arrestation.
Mais la peur des représailles restait vive dans le pays qui a vécu, depuis son indépendance en 1948, sous le joug de la dictature militaire pendant près de 50 ans.
"La population sait très bien à quel point l'armée peut être violente et se soucie peu de sa réputation internationale, cela pourrait freiner la volonté de mobilisation", estime Francis Wade, auteur d'ouvrages sur le pays.
Avertissement
Mercredi, le journal Global New Light of Myanmar, détenu par l'Etat, a publié un avertissement du ministère de l'Information: "Certains organisations et médias relayent des rumeurs sur les réseaux sociaux". Il a mis en garde contre de tels actes, appelant la population à "coopérer".
Le coup d'Etat, "inévitable" selon le général Min Aung Hlaing qui concentre désormais l'essentiel des pouvoirs à la tête d'un cabinet composé de généraux, a déclenché un concert de condamnations à l'international.
Après avoir menacé d'imposer de nouvelles sanctions, l'administration de Joe Biden a encore haussé le ton mardi contre la Birmanie, le premier grand test international pour le nouveau président américain.
Nous sommes parvenus à la conclusion qu'Aung San Suu Kyi et l'ex-président Win Myint, le président du gouvernement élu, "avaient été déposés dans un coup d'Etat militaire", a indiqué une responsable américaine.
Cette décision juridique bloque l'aide directe de Washington à l'Etat birman.
Mais cet acte reste principalement symbolique: l'armée birmane est déjà sous le coup de sanctions depuis les exactions menées par ses soldats en 2017 contre la minorité musulmane rohingya, une crise qui vaut à la Birmanie d'être accusée de "génocide" par des enquêteurs de l'ONU.
L'allié chinois
Le Conseil de sécurité de l'ONU s'est réuni mardi en urgence, et à huis clos, mais n'a pas réussi à se mettre d'accord sur un texte commun. Des négociations sont toujours en cours, selon un diplomate sous couvert d'anonymat.
Pour être adoptée, cette déclaration commune nécessite le soutien de la Chine, qui exerce un droit de veto en tant que membre permanent du Conseil de sécurité.
Or, Pékin reste le principal soutien de la Birmanie aux Nations unies. Lors de la crise des Rohingya, la Chine avait contrecarré toute initiative au Conseil de sécurité, estimant que le conflit avec la minorité musulmane relevait des seules affaires intérieures birmanes.
La LND a appelé sur Facebook à la "libération" immédiate d'Aung San Suu Kyi, 75 ans, et de ses autres responsables, dénonçant une "tache dans l'histoire de l'Etat". L'armée doit "reconnaître le résultat" des élections de novembre, a ajouté le parti qui était au pouvoir depuis les législatives de 2015.
Selon une députée LND, qui a requis l'anonymat, la prix Nobel de la paix 1991 et l'ex-président Win Myint sont "assignés à résidence" dans la capitale Naypyidaw.
Un porte-parole du parti a précisé qu'aucun contact direct n'avait été noué avec elle, même si des voisins l'ont aperçue se promenant dans le jardin de sa résidence officielle entourée de murs.
L'armée a promis la tenue de nouvelles élections, une fois que l'état d'urgence d'un an sera levé.
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.