Officiellement le butoir est fixé au 31 décembre : à cette date, la Grande-Bretagne est censée quitter le marché unique européen et l'union douanière – avec ou sans accord négocié. Mais dans les faits c'est autre chose... Londres veut l'impossible et pense pouvoir l'obtenir. Concrètement, Boris Johnson et son premier cercle bloquent tout pour trois raisons :
D'abord, la pêche. En quittant l'UE sans avoir transigé (“no deal”), Londres veut déchirer l'accord européen donnant à plusieurs pays membres, dont la France, accès aux eaux territoriales britanniques. Les pêcheurs des Hauts-de-France, de Normandie, de Bretagne et de Loire-Atlantique y trouvent un quart de leurs poissons. Mais 90 % des pêcheurs anglais ont voté pour le Brexit : d'où l'intransigeance de Londres sur cette question… Et si Londres réalise son no deal, non seulement la pêche française perdra un quart de sa ressource, mais les redoutables navires-usines néerlandais, refoulés eux aussi des eaux britanniques, viendront racler les fonds français ! Une crise sans précédent frappera la filière pêche de l'Hexagone ; en attendant, elle est sous les armes. Dès octobre dernier, par exemple, Sophie Le Roy, armatrice à Cherbourg, lançait un avertissement : “S'il y a un no deal, nous ne laisserons passer aucun poisson britannique en France. On fera ce qu'il faut.”
Une concurrence déloyale ?
La menace de Sophie Le Roy est tangible pour Londres, 80 % du poisson pêché par les Britanniques étant exporté en Europe… Afin d'éviter cette guerre, le secrétaire d'Etat français aux Affaires européennes, Clément Beaune, a d'ailleurs déclaré que si Bruxelles négociait un accord au détriment des pêcheurs français, Paris y opposerait son veto : “Nous le devons à nos pêcheurs et à d'autres secteurs économiques”, a-t-il souligné non sans fermeté.
Second point de blocage : la concurrence. Si Londres quitte l'UE sans avoir signé d'accord, elle rejette de ce fait toutes les normes européennes – fiscalité, santé publique, social, environnement – et pourra donc abaisser ses propres standards… De quoi faire une concurrence déloyale aux entreprises européennes, tout en se transformant en base logistique de produits nord-américains non conformes aux normes de l'UE.
Troisième point de blocage, lié aux précédents : l'arbitrage des futurs conflits Londres-UE. Bruxelles voudrait le confier à sa Cour de justice. Londres le refuse…
Reste à évaluer le coût de tout cela pour les économies européennes, y compris celle du Royaume-Uni auquel les pro-Brexit avaient promis “la prospérité par la souveraineté”. En cas de no deal, à partir du 1er janvier les échanges économiques entre Londres et l'UE se feront selon les règles de l'OMC : droits de douane et quotas. L'économie britannique, qui dépend du marché européen, n'a vraiment rien à gagner à ce scénario noir.
Nouveau report ?
Après la visioconférence entre Boris Johnson et Ursula von der Leyen samedi 5 décembre, le dialogue de sourds euro-britannique s'est donc poursuivi cette semaine, dans un climat de tension pessimiste, avec un conseil européen les 10 et 11 décembre. Et, en vue, une autre réunion des Vingt-Sept… De son côté, le 10 Downing street semblait s'attendre à ce que les Européens choisissent encore une fois une posture de fuite en avant : renvoyer à plus tard la date-butoir, éternisant ainsi le feuilleton fastidieux qui dure depuis 2016.
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