"Je suis là à cause de certaines personnes, des balances mythomanes qui ont raconté n'importe quoi (...) Ils balancent mais ils mentent", s'énerve Riza Polat, chemise blanche, masque en tissu sur le visage et crâne rasé, face à la cour d'assises spéciale de Paris.
Mais ces "balances", il refusera d'en donner le nom aux parties civiles qui cherchent à comprendre, les sommant de "patienter". "C'est pas encore l'interrogatoire sur les faits, non ?", fanfaronne Polat, dit "le Gros", dans le box vitré.
Proche du tueur de l'Hyper Cacher, qui a grandi comme lui dans la cité de la Grande Borne, à Grigny (Essonne), ce Franco-turc de 35 ans est le seul des onze accusés présents - trois autres suspects étant jugés par défaut - à devoir répondre de "complicité", un crime passible de la perpétuité.
Les enquêteurs le soupçonnent d'avoir servi de "bras droit" à Amédy Coulibaly et d'avoir joué un rôle central dans les préparatifs des attaques de l'Hyper Cacher et de Montrouge, mais aussi celle de Charlie Hebdo, commise par les frères Saïd et Chérif Kouachi.
Le trio terroriste a été abattu par les forces de l'ordre à l'issue des attaques qui ont fait 17 morts et semé l'effroi et la consternation en France et dans le monde.
"Je les désavoue. Il faut pas tuer des innocents", jure Ali Riza Polat. "Je ne suis pas dans un combat religieux, (...) je ne suis pas violent".
"On m'a dit : +T'as fourni les armes aux frères Kouachi+. Mais je les connais pas les mecs !", s'énerve ce délinquant multirécidiviste.
"Vous n'avez pas honte !"
Né à Istanbul, Ali Riza Polat est arrivé à l'âge de trois ans en France. Après une "enfance normale", il "tombe" dans la délinquance "vers 13, 14 ans" avec des "petits larcins", puis dans les "stups", par "attrait de l'argent": "Quand t'as pas d'argent, t'as rien. J'avais rien et je voulais des choses".
Un goût pour "la belle vie" qui le conduit à multiplier les escroqueries, après un premier passage par la case prison. Ali Riza Polat voyage beaucoup alors, notamment au Liban. Fréquente des prostituées. Rêve de grand banditisme.
"C'est presque un leitmotiv, chez vous l'argent: il y en a qui sont accros à la lecture, vous, vous êtes accro à l'argent", ironise le président de la cour d'assises Régis de Jorna.
"Oui c'est ça", acquiesce du tac au tac l'accusé. Quand il sortira de prison, il prévient qu'il "(fera) du banditisme, encore plus. Je vais faire pire".
Le débat quitte vite le terrain de la délinquance pour dévier sur celui de la religion. "Croyant", issu d'une famille musulmane, Ali Riza Polat explique pourtant s'être "converti" en 2014: "Avant je mangeais du porc. Tu peux pas être musulman et manger du porc", argumente-t-il.
Le président s'étonne: "Vous faites des escroqueries mais après, par le biais des prières, vous demandez pardon ?".
"Ça reste des péchés" mais "on fait tous des conneries", s'agace Ali Riza Polat. "Une personne judéo-chrétienne, elle fait des péchés, mais elle fait des prières à côté", dit l'accusé, relancé par les parties civiles, insistantes.
Me Isabelle Coutant-Peyre, avocate d'Ali Riza Polat et conseil historique de Carlos, s'en mêle: "Je m'étonne qu'on fasse un débat sur les questions de religion dans une enceinte judiciaire laïque".
"Y a-t-il une autre question que celle-là ? Vous n'avez pas honte ! Devant des victimes !", s'insurge sur les bancs des parties civiles Me Nathalie Senyk.
"Je ne sais pas de quel côté est le terrorisme avec ce genre de méthode", fustige Me Coutant-Peyre, entraînant un vaste murmure de réprobation.
La cour d'assises examinera dans l'après-midi les personnalités des trois grands absents au procès: Hayat Boumeddiene, compagne d'Amédy Coulibaly, et les frères Belhoucine, dont l'aîné Mohamed est également jugé pour "complicité".
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