Avant le retour en classe de quelque 12,4 millions d'élèves mardi, chacun se prépare à une année scolaire dans l'ombre du coronavirus et sous la menace d'un durcissement des consignes sanitaires.
"Je prends les choses un peu au jour le jour car on sait que les directives peuvent changer du jour au lendemain", résume calmement Hélène, enseignante en CE1 dans un village du Vaucluse, qui avait déjà repris l'école en mai après le confinement.
Elle qui jugeait alors cette reprise précipitée a changé d'avis. "C'était finalement une bonne chose parce que ça nous permet d'appréhender cette rentrée avec un peu moins de stress. On sait à peu près à quoi ça va ressembler".
Depuis, les règles ont été redéfinies et le masque est désormais obligatoire pour tous les enseignants. Mais, comme d'autres collègues, Hélène déplore "des points d'interrogation" persistants, sur l'organisation à la cantine ou dans la cour de récré.
Le ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer se veut lui rassurant, estimant que le protocole sanitaire "est simple et clair" et qu'"il n'a pas vocation dans ses grands principes à varier". Il est l'"un des plus stricts d'Europe, il nous permet d'avoir la rentrée la plus normale possible", selon lui.
Lundi matin en Mayenne, il a assuré que "normalement, il ne manquera pas d'enseignants dans les classes" mardi, car la rentrée est "bien préparée". "Aujourd'hui, la jeunesse doit être notre priorité absolue. Nous leur devons un avenir bien dessiné et nous leur devons une rentrée dynamique", a-t-il dit.
Le masque sera aussi obligatoire pour les collégiens et les lycéens mais la distanciation physique ne sera plus obligatoire quand elle n'est pas matériellement possible, tout comme la limitation du brassage entre classes et groupes d'élèves, qui est simplement "recommandée".
Ce qui inquiète le plus Hélène: les trois enfants en grande difficulté scolaire qu'elle n'a pas revus depuis le confinement en mars. "C'est un faible pourcentage sur une classe de 23 élèves mais pour ceux-là, ça va être compliqué de les faire revenir dans l'univers de l'école", craint-elle.
"Des directives qui changent tout le temps"
Lauriane, qui effectue sa première rentrée à Paris en grande section de maternelle, se dit à la fois "sereine" et "motivée" mais juge "insupportable que les directives changent tout le temps".
"La semaine dernière, c'était sans masque pour les enseignants de maternelle, et cette semaine, c'est obligatoire", regrette cette trentenaire qui a abandonné un poste de responsable des ressources humaines d'un groupe du CAC40 pour devenir enseignante.
"Avec ce masque sur la bouche toute la journée, comment est ce que je vais pouvoir, dès le premier jour, aborder l'apprentissage des sons avec mes élèves de 5 ans?", s'interroge-t-elle, espérant "vivement être bénéficiaire de masques transparents" évoqués par Jean-Michel Blanquer.
Sarah, enseignante de moyenne section de maternelle à Paris, partage le même constat sur la transmission des savoirs aux plus petits, et s'"inquiète particulièrement pour les élèves allophones, nombreux dans les classes en Ile-de-France".
Marie, professeur d'histoire-géographie dans un collège en REP+ en Seine-Saint-Denis, n'a pas d'inquiétude sur le fait que les élèves respecteront le port du masque mais regrette "de n'avoir aucune directive à ce stade sur le volet pédagogique". "Comment on s'organise concrètement pour des élèves en grande difficulté scolaire qui n'ont pas mis les pieds à l'école depuis le mois de mars?", s'inquiète-t-elle.
"Ça va prendre du temps de faire l'état des lieux du retard qui a été accumulé, pour les enfants qu'on aura sous la main". Mais le plus gros défi sera encore de faire revenir ceux qui ont totalement décroché, présage-t-elle déjà.
Le ministre promet lui un renforcement des évaluations des élèves au CP et CE1 afin de "mesurer l'impact du confinement" et a aussi annoncé dimanche le lancement d'un chantier qui intéressera tous les enseignants: un "Grenelle des professeurs" visant à revaloriser leur salaire et leurs conditions de travail.
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