Quel est le poids de l’industrie pornographique ?
"Les intérêts en jeu sont énormes. Demandez à Xavier Niel ce qu’il en pense. Cet entrepreneur a fait fortune dans le téléphone et le minitel rose avant de s’offrir une partie du journal Le Monde et de lancer l’opérateur Free. L’industrie de la pornographie draine beaucoup d’argent. En droits directs et indirects, elle représente près de 200 milliards de dollars au niveau mondial et 10 en France!"
Comment ce "business" est-il organisé ?
"Dès que vous surfez durant vingt-quatre heures sur des sites pornographiques, vous êtes rapidement envahi de spam, d’offres publicitaires vous proposant une multitude de produits miracles à connotation sexuelle. Ce marché vous connecte également à des sites de jeux en ligne comme le poker, des boutiques de produits pharmaceutiques comme le viagra ou des annonces pour montre Rolex".
Que révèle cette tendance ?
"La pornographie est le reflet d’une société qui a oublié ce qu’était 'l’obscène', ce qui doit rester de l’autre côté du rideau. Notre civilisation, sorte de société du bas spectacle, a déchiré ce rideau. La disparition des contraintes a des effets terrifiants sur certains jeunes qui traitent et filment les filles comme de la viande avant de diffuser leurs images sur internet. Les histoires sordides de viols collectifs ne manquent pas. Selon moi, la pornographie révèle aussi le fonctionnement intime du libéralisme avancé, la transformation de l’individu en matière première. L’homme est mis en vente".
Que sait-on sur la détresse réelle de ceux qui sont exploités par cette industrie ?
"95 % des filles que l’on retrouve dans les films diffusés sur la toile sont issues des pays de l’Est, du Brésil, de l’Afrique. On constate une surenchère de la violence dans ces productions où des jeunes femmes sont massacrées. Sans parler des suicides".
Combien de jeunes en France ont-ils accès à ces images ?
"A 16 ans, 80 % des garçons et 50% des filles consultés ont déjà vu de telles images. Les systèmes de contrôles parentaux sont une vaste plaisanterie à l’heure des smartphones. En tant qu’enseignant, j’observe chez les jeunes une incapacité de plus en plus grande à oser les mots de la séduction. Ils savent de moins en moins séduire parce qu’ils perdent à la fois le langage et les repères moraux d’une société qui ne se respecte plus. La pornographie est l’une des raisons évidentes de cette incapacité à aller vers l’autre. La seule valeur se résume à : 'Dis-moi combien tu gagnes, je te dirais ce que tu es'. En douze ans d’enseignement en ZEP, j’ai vu monter la violence verbale et physique".
Comment le corps enseignant réagit-il ?
"Il n’est pas au courant. Très peu d’établissements interdisent les téléphones portables. Certaines organisations de parents d’élèves s’y refusent sous prétexte de vouloir rester en contact avec leurs enfants".
Peut-on débarrasser le net de la pornographie ?
"Ce n’est pas difficile, il faut cibler les fournisseurs d’accès. Les Chinois l’ont fait".
Quels conseils donnez-vous aux parents et aux professeurs ?
"Faire très attention. Ensuite, beaucoup parler avec les jeunes et ne pas les laisser s’enfermer dans une bulle autodestructrice. Il faut parvenir à leur faire comprendre qu’il existe des choses plus belles que ces images et que les relations humaines ne sont pas ça. Personnellement, je suis fermement opposé à la présence de la télévision ou de l’ordinateur dans la chambre des enfants. C’est une folie."
Pratique. “La société pornographique”, Bourin Editeur, 16 €.
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