"Si nous voulons nous battre pour la justice, l'émancipation et le changement...nous devons tous faire partie de ce mouvement", assure ce jeune de 27 ans, né au Vietnam mais élevé aux Etats-Unis.
La mort de George Floyd lors de son interpellation par des policiers, dont un Américain d'origine asiatique, a déclenché une vague de colère à travers le pays mais aussi provoqué un mouvement d'introspection pour la communauté asiatique américaine, aux liens historiquement tendus avec la communauté noire.
"Il y a beaucoup de racisme anti-noir dans la communauté AAPI (Américains asiatiques et des îles du Pacifique, ndlr)", affirme Viet Hoai Tran.
Beaucoup gardent en mémoire les émeutes de 1992 à Los Angeles, après l'acquittement de quatre policiers blancs qui avaient passé à tabac et grièvement blessé l'automobiliste noir Rodney King.
La plupart des manifestations s'étaient déroulées dans le quartier nommé Koreatown. Des commerçants coréens, se sentant abandonnés par la police locale, avaient tiré sur les manifestants noirs du haut du toit de leurs immeubles pour protéger leurs boutiques.
"Nous les Américains asiatiques avons contribué à perpétuer un sentiment anti-noir et nous avons bénéficié de la suprématie blanche", juge Kevin Quach, de l'association de défense des Américains asiatiques, OCA National.
Solidarité afro-asiatique
M.Quach souligne aussi l'existence d'une intériorisation du mythe de la "minorité modèle" -- stéréotype selon lequel les Asiatiques seraient "la meilleure" minorité, ce qui implique que les autres minorités seraient moins bien --, ou encore du "colorisme", soit les discriminations envers les personnes à la peau plus sombre.
Les pancartes "Le péril jaune soutient le +Black Power+" ou encore "les Américains asiatiques pour Black Lives Matter", "ignorent ou minimisent les torts que la communauté AAPI a infligé à la communauté noire ces 50 dernières années", même non intentionnellement, estime Kevin Quach.
Le concept de "péril jaune" a été utilisé à la fin du 19e siècle pour stigmatiser les peuples d'Asie, notamment lors des premières vagues d'immigration chinoise aux Etats-Unis.
L'expression a été détournée en un slogan de soutien au mouvement Black Panther pour la première fois en 1969 par le nippo-américain Richard Aoki, qui s'est révélé plus tard être un informateur du FBI.
"Il est important que nos communautés ne soient pas montées les unes contre les autres", ajoute Bo Thao-Urabe, co-fondatrice de l'association d'Américains asiatiques CAAL, basée dans le Minnesota.
Les organisations comme CAAL et OCA National, qui coopéraient déjà avec les communautés noire et hispaniques, ont mené différentes actions pour soutenir les manifestations contre le racisme, comme la tenue d'un sommet virtuel sur la solidarité afro-asiatique.
Déconstruire la peur
Beaucoup de jeunes Américains asiatiques se sont mis à partager des articles en ligne et des messages sur les réseaux sociaux, traduits en chinois, coréen et vietnamien, sur des sujets tel que "parler à ses parents asiatiques du racisme systémique et intériorisé".
"Le racisme anti-noir, ce n'est pas quelque chose qu'on puisse juste nommer et faire disparaître", pointe Jenny Tam, étudiante à l'université Minnesota Twin Cities.
"C'est de la peur, et la peur a besoin d'être déconstruite", assène la jeune femme de 21 ans, d'origine chinoise et vietnamienne, qui a créé un groupe Facebook baptisé "Asian America for Black Power".
Selon elle, la pandémie de coronavirus a servi de sonnette d'alarme aux Américains asiatiques, confrontés à une vague de racisme anti-asiatique, la Chine étant désignée comme responsable de l'apparition du virus.
Le racisme "peut nous opprimer d'une façon différente, mais il y a toujours un ennemi commun. Nous combattons la même chose", assure Jenny Tam, dont les parents ont émigré au Minnesota après la guerre du Vietnam.
"Nous ne sommes pas blancs, donc nous ne pouvons pas défendre un système conçu pour soutenir les Blancs et qui nuit" aux Américains noirs, conclut-elle.
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