Une petite vie sociale s'est peu à peu organisée aux 35 checkpoints qui parsèment la plaine lombarde et ceinturent dix villes et villages, soit plusieurs dizaines de milliers de personnes.
Les quelque 400 militaires et policiers qui surveillent les checkpoints se relaient par équipes toutes les six heures. Quelque peu laxistes les premiers jours, les contrôles se sont durcis, et l'organisation semble désormais bien rodée.
Quant aux habitants de la zone rouge, les "pestiférés", comme se surnomme l'un d'entre eux en riant, ils viennent quotidiennement jusqu'au barrage discuter avec les militaires, respirer la vie de l'extérieur, prendre livraison de paquets divers.
Salvatore, habillé de la tête au pied en tenue de cycliste, plaisante avec les militaires du barrage. Lui-même est carabinier -et pour cette raison refuse de donner son nom de famille-, coincé à Bertonico en zone rouge, où il continue pourtant de patrouiller le soir.
"J'attends mes collègues de Lodi qui vont m'apporter des cigarettes. Dans la zone rouge, à part les magasins d'alimentation et les kiosques à journaux, tout est fermé", explique-t-il.
"On marche"
Arrivent ses deux collègues. Les "Ciao" fusent de part et d'autre de l'abribus, où sont déposées les cigarettes. Distance réglementaire de plusieurs mètres entre l'habitant de la zone rouge et les autres. Une fois ses amis éloignés, Salvatore va récupérer le paquet et laisse sur le banc des dizaines d'euros en liquide : "c'est pour la facture à payer à Lodi", explique-t-il.
Toute la matinée, ces scènes se répètent. Une dame vient apporter des provisions à sa belle-soeur et repart en lançant un sonore "Bonne journée à tous" en direction des militaires. Un vétérinaire récupère des médicaments pour ses bovins. Un comptable passe déposer ses factures et ses impôts à payer à Lodi, hors zone rouge.
Après cinq jours de quarantaine, une fois retombée l'adrénaline créée par une situation exceptionnelle, l'ennui pointe son nez. Alors "on marche". Sous le soleil radieux, on aperçoit derrière le barrage des familles en promenade, des cyclistes, des joggeurs. "Il n'y a rien d'autre à faire. Heureusement que nous ne sommes pas confinés chez nous", raconte Pietro Mola, un jeune comptable venu au checkpoint pour confier à des amis ses factures à payer.
Mais l'inquiétude grandit - "pas à cause du virus, après tout c'est comme une mauvaise grippe, non ?" - mais en raison des répercussions économiques. Pietro Mola travaille pour 16 entreprises: restaurants, boutiques textiles, pierceur, tatoueurs... Tous dans la zone rouge, tous fermés.
"C'est une chaîne. S'ils ne gagnent pas, je ne gagne pas. Les entreprises qui n'ont pas les reins solides ne vont pas s'en sortir", s'inquiète le jeune comptable, en pensant aux dix jours de quarantaine durant lesquels il faut encore tenir.
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