L'issue de cette bataille restait incertaine jeudi soir alors que le sommet se prolongeait. Mais elle sera scrutée de près au salon de l'agriculture que le chef de l'Etat doit inaugurer samedi matin à Paris.
A son arrivée à Bruxelles, Emmanuel Macron a clairement fixé sa priorité pour le sommet: "d'abord se battre pour avoir une politique agricole commune au rendez-vous de nos ambitions".
Il l'a ensuite défendue face aux 26 autres dirigeants alors que la PAC et le montant global du budget étaient "fortement attaqués par les pays du nord", selon l'entourage du président.
Pour lui, "le compte n'y est pas" car la proposition de compromis présentée par le président du Conseil européen, Charles Michel, alloue à la PAC un montant réduit de plus de 50 milliards d'euros sur 2021-2027, par rapport à l'exercice précédent.
"Je souhaite que les prochaines heures, que les prochains jours nous permettent d'améliorer la copie", a-t-il ajouté, en se déclarant ainsi "prêt" à faire durer le sommet si besoin.
Le chef de l'Etat ne sera pas seul à la manoeuvre car, selon Paris, la PAC est défendue par "une vingtaine de pays", surtout de l'est et du sud de l'Europe.
En témoignaient la présence de quelque dizaines de tracteurs, venus notamment des pays baltes ou de Belgique, à proximité des bâtiments de l'UE.
"Budget fort"
La baisse du budget de la PAC est proposée par la Commission pour compenser en partie le départ de l'UE du Royaume-Uni, qui était un contributeur net, et pour financer les politiques dites "modernes", comme la lutte contre le changement climatique, la sécurité ou la migration, au détriment des politiques "traditionnelles" comme l'agriculture ou la cohésion (l'aide aux régions les moins développées).
Piliers historiques de l'UE, ces deux dernières représentent environ 60% du budget de l'UE.
Ce coup de rabot est soutenu par un groupe de pays riches, comme les Pays-Bas, le Danemark, la Suède et, dans une moindre mesure, l'Allemagne.
La dernière proposition mise sur la table par Charles Michel consacre un peu plus de 329 milliards d'euros à la PAC pour la période 2021-2027 (à prix constants 2018). C'est plus que ce qu'avance la Commission (324,2 milliards) dans sa proposition initiale mais cela reste bien en-deçà de l'enveloppe dédiée à la PAC dans le cadre financier pluriannuel en cours: près de 383 milliards d'euros.
"Tout le monde veut plus de sécurité alimentaire, d'environnement etc... Mais qui le fait au final? Ce sont les agriculteurs dans leurs exploitations", a plaidé Christiane Lambert, la présidente de la FNSEA, le premier syndicat agricole français. "On demande toujours plus aux agriculteurs, cela ne peut pas se faire avec un budget moindre", a-t-elle ajouté.
Appelant "Emmanuel Macron à défendre un budget fort pour la PAC", la Confédération paysanne, syndicat classé à gauche, affirme que la politique de Bruxelles devrait "être en cohérence" avec "l'ambition de transition agroécologique" que "la France et l'Europe affichent fortement".
Ces discussions interviennent alors qu'une réforme de la PAC est attendue. Initialement prévue pour être mise en oeuvre dès 2021, elle a pris du retard car elle dépend d'un accord sur le budget.
Pour Emmanuel Macron, l'Europe reste, malgré les difficultés, "la seule voie possible" pour assurer l'avenir de l'agriculture française. "Sortir de l'Europe, comme le propose le Rassemblement National, c'est condamner l'agriculture française en livrant à eux-mêmes nos agriculteurs sans aide ni protection", affirme-t-il dans un entretien devant être publié vendredi par des quotidiens régionaux.
Au fil des décennies, la défense de la PAC est devenue un exercice incontournable pour les présidents français à Bruxelles.
Jacques Chirac avait ainsi marqué les esprits en 2002 lorsqu'il avait conclu un accord avec le chancelier allemand Gerhard Schröder pour établir le cadre de l'Europe agricole.
En 2013, au cours du précédent sommet consacré au budget pluriannuel, la discussion sur la PAC avait déjà été vive. Et François Hollande, le président de l'époque, s'était targué d'avoir évité le pire en limitant la baisse de l'enveloppe dévolue à l'agriculture.
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