Tous "sont mis en tension" par cette réforme, estime Baptiste Giraud, maître de conférences en science politique à l'université d'Aix-Marseille.
Qu'ils y soient opposés, à l'image des syndicats CGT, FO ou CFE-CGC, fragilisés "par leurs limites dans la capacité à mobiliser". Ou qu'ils soutiennent le système "universel" par points - mais pas dans la mouture proposée par le gouvernement -, comme la CFDT, la CFTC et l'Unsa.
Eux sont "mis en tension par la politique gouvernementale à faire peu de cas de la parole syndicale, y compris de la parole syndicale réformiste", ajoute le chercheur.
Longtemps ignorée par l'exécutif, la CFDT peut se féliciter d'avoir obtenu la conférence de financement, censée trouver d'ici avril des mesures permettant d'atteindre l'équilibre financier du système de retraite en 2027.
Ce peut être "une porte de sortie" pour le camp "réformiste", estime M. Giraud.
Mais c'est aussi "la dernière chance pour le dialogue social", considère Cyril Chabanier, président de la CFTC. "Si les partenaires sociaux n'arrivent pas à trouver un compromis, on va donner du grain à moudre à ceux qui disent qu'il n'y a que la violence qui peut permettre d'obtenir des choses", ajoute-t-il. Il sent toutefois "que des choses bougent, y compris chez les députés LREM".
Mais pour M. Giraud, "l'apparent compromis proposé par le gouvernement sur l'âge pivot et la conférence obligent l'Unsa et la CFDT à avaler de grosses couleuvres, que ce soit sur la pénibilité, où il n'y a aucune visibilité, sur la promesse de revalorisation des salaires des professeurs ou sur les mesures d'âge".
"Comment on atterrit?"
Laurent Berger est "pris dans un dilemme", selon lui: "rompre le lien avec le gouvernement et le patronat revient à dire qu'il n'est plus possible de négocier avec le gouvernement, et à légitimer le discours de la CGT. Dans le même temps, la CFDT n'est plus en état de mobiliser aussi facilement que la CGT".
Or une partie de la base "cédétiste" est mal à l'aise avec la position de son patron: "ça discute sec en interne sur le syndicalisme d'accompagnement. Il y a beaucoup de crispations", dit un syndicaliste proche de la CFDT.
D'où la recrudescence des mises en garde de Laurent Berger vis-à-vis du gouvernement. Vendredi, il a prévenu que si ses revendications n'étaient pas entendues, "on dirait que la réforme des retraites a été plantée par le gouvernement".
Du côté des syndicats opposés à la réforme aussi, les interrogations sont nombreuses sur la sortie du conflit, alors qu'ils n'ont pas obtenu le retrait du texte.
A la CGT, la mobilisation de plus de deux mois est perçue comme "une séquence favorable", selon un secrétaire national, y compris pour Philippe Martinez, sorti éreinté après un congrès compliqué en mai 2019.
"J'ai jamais vu autant d'adhésions en trois mois! La CGT est revenue au centre du jeu. Mais il y aussi la vérité des prix: la CGT n'est plus capable de bloquer la France", souligne le responsable cégétiste.
Trop tôt pour tirer un bilan, selon lui. "Mais après une mobilisation aussi inédite, comment on atterrit?", interroge-t-il.
Même questionnement à Force ouvrière.
Yves "Veyrier a réussi le tour de force d'avoir tout le monde derrière lui", assure un responsable FO. Contrairement à 2017 où le refus de l'ex-numéro un Jean-Claude Mailly de s'associer à la CGT contre la réforme du code du travail avait déclenché une crise interne. Lors de son élection fin 2018, Yves Veyrier avait la réputation d'être "Macron-compatible", rappelle le responsable.
Cette réforme représente aussi "un baptême du feu qui permet à Yves Veyrier d'exister publiquement et médiatiquement", ajoute M. Giraud.
"Le soutien de la population ne s'est pas érodé. Faut qu'on sorte le plus convenablement possible du mouvement. Mais comment?", ajoute le responsable FO, tablant sur des actions jusqu'au vote du projet au Parlement.
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