L'un des avocats du locataire de la Maison Blanche, le célèbre constitutionnaliste Alan Dershowitz, s'est fait remarquer mercredi avec un argument massue.
Si un président pense être "le meilleur président de tous les temps", il "ne mérite pas" d'être destitué pour avoir agi, dans "l'intérêt général", de façon à s'assurer un nouveau mandat, a-t-il avancé.
L'explication a provoqué la stupeur de l'opposition, qui y voit la justification d'un pouvoir présidentiel illimité.
"Selon ses avocats, tout va bien tant que le président croit que cela aidera sa réélection", a résumé Adam Schiff, qui dirige l'équipe des procureurs démocrates.
"Il n'est pas acceptable de solliciter une ingérence étrangère dans les élections, même si vous échouez. Cela fait simplement de vous un escroc raté", a-t-il ajouté sur Twitter.
Le 45e président des Etats-Unis est accusé d'avoir commis un abus de pouvoir en demandant l'été dernier à l'Ukraine d'enquêter sur Joe Biden, un adversaire potentiel à la présidentielle de novembre.
Pour forcer la main de Kiev, il aurait bloqué une aide militaire cruciale pour ce pays allié aux prises avec une rébellion pro-russe.
"Fou et insensé"
Une fois l'affaire révélée par l'intermédiaire d'un lanceur d'alerte, le milliardaire républicain aurait commis une "entrave au travail du Congrès" en interdisant à ses collaborateurs de participer à l'enquête parlementaire lancée par les démocrates à la Chambre des représentants.
La défense de Donald Trump affirme que le président s'inquiétait de l'étendue de la corruption en Ukraine et des activités du fils de l'ancien vice-président démocrate Joe Biden, Hunter, alors salarié d'un groupe gazier ukrainien un temps soupçonné de malversations.
Pour la sénatrice démocrate Tammy Duckworth, chargée de juger le milliardaire républicain avec ses 99 collègues, l'argument avancé par Alan Dershowitz "semble venir tout droit de Corée du Nord, pas de Pennsylvania Avenue", en référence à l'adresse de la Maison Blanche.
Les déclarations de l'avocat du président ont aussi fait bondir plusieurs spécialistes du droit. Neal Katyal, de l'université de Georgetown, a dénoncé un argument "fou" et "insensé" dans son compte-rendu quotidien des débats sur Instagram.
"Si le président Trump en venait à tuer son adversaire à l'élection, Joe Biden ou n'importe qui d'autre, (sa défense) dirait +c'est dans l'intérêt général que Joe Biden ne soit pas élu (...) donc il ne doit pas être mis en accusation+", a-t-il analysé.
Face aux critiques, Alan Dershowitz a assuré jeudi que ses propos avaient été volontairement déformés par les médias opposés à Donald Trump.
Trump en campagne
Cette dernière journée de questions posées par les sénateurs, par écrit, devrait aussi être la dernière chance pour le camp démocrate de convaincre des élus de la majorité républicaine de convoquer de nouveaux témoins jugés essentiels pour un procès équitable.
Un vote sur la question est prévu vendredi en fin de journée.
Ils veulent en priorité entendre l'ancien conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump, John Bolton, dont un livre à paraître prochainement contient des confidences embarrassantes pour le président.
Limogé en septembre, John Bolton affirme que le président lui a dit en août ne pas vouloir débloquer l'aide militaire destinée à l'Ukraine tant que ce pays n'enquêterait pas sur les Biden.
Les démocrates savent que le président a toutes les chances d'être acquitté, la Constitution imposant une majorité des deux tiers (67 voix) pour le destituer.
Les 53 sénateurs républicains ont jusqu'ici fait bloc derrière l'ancien homme d'affaires new-yorkais, qui souhaite une fin rapide à ce procès, mais ces révélations ont ébranlé les certitudes des plus modérés d'entre eux.
Si le vote sur les témoins, qui nécessite lui une majorité simple, s'achevait sur une égalité (50-50), Adam Schiff s'est dit prêt à demander au chef de la Cour suprême John Roberts, qui préside le procès, d'apporter sa voix déterminante.
En attendant, Donald Trump s'est à nouveau emporté jeudi contre l'élu démocrate de Californie. "C'est un politique corrompu qui ne rêve que de ce canular de destitution", a-t-il écrit sur Twitter.
Le président doit se rendre dans l'après-midi dans le Michigan, un des Etats-clés pour le scrutin de novembre, puis participer en soirée à un meeting dans l'Iowa. Cet Etat du Midwest lancera lundi la primaire démocrate pour l'investiture à l'élection présidentielle.
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