Un jeune homme accusé de quelques vols, jugé en comparution immédiate le mercredi 29 janvier au palais de justice d'Alençon, semblait ne pas y croire lui-même : il a été défendu par une armée de onze avocats. Mais ils étaient surtout là pour régler leurs comptes avec le procureur de la République.
Un attachement à la liberté
Représentants leurs collègues de tout le barreau d'Alençon, tous ces avocats présents au tribunal avaient décidé de paralyser la justice. Ils ont commencé par dénoncer le fait qu'un accusé présumé innocent soit jugé dans la cage que représente le box des accusés. Les juges se retirent, délibèrent : finalement, l'accusé sera entendu à la barre, hors du box. Puis, les avocats plaident une exception de nullité, leur client ayant des difficultés avec la lecture et l'écriture. À nouveau les jugent se retirent, délibèrent, décident que le procès peut malgré tout avoir lieu. Le procureur s'impatiente, demande un temps de parole limité pour chaque avocat. Les juges, qui ont visiblement choisi leur camp, refusent. Les avocats dénoncent alors le choix inapproprié par le procureur d'une comparution immédiate pour ce procès, "alors qu'il n'y a aucune urgence" et que cette procédure doit rester exceptionnelle, "un choix exprès, pendant notre grève", expliquent-ils.
Un avocat explique alors que cette action s'inscrit bien sûr dans le cadre de la grève nationale des avocats, contre le projet de réforme des retraites qui les impacterait particulièrement. Mais il s'agit aussi et surtout d'une réponse au procureur de la République, qui en audience solennelle face à leur mouvement de grève, avait accusé les avocats de "se moquer du justiciable". Les avocats avaient alors quitté cette cérémonie annuelle. "Ces propos du procureur sont inacceptables", ont éructé les avocats, "nous sommes viscéralement attachés à la liberté."
Pour illustrer ces propos, moment totalement surréaliste, un avocat a alors commencé à égrener le poème Liberté de Paul Éluard : "Sur mes cahiers d'écolier, Sur mon pupitre et les arbres, Sur le sable sur la neige, J'écris ton nom." Les avocats se relaient : "Sur toutes les pages lues, Sur toutes les pages blanches, Pierre sang papier ou cendre, J'écris ton nom." L'heure tourne. "Sur les images dorées, Sur les armes des guerriers, Sur la couronne des rois, J'écris ton nom." Les juges semblent amusés, le procureur beaucoup moins. "Sur la jungle et le désert, Sur les nids sur les genêts, Sur l'écho de mon enfance, J'écris ton nom." La situation s'éternise. Le procès est finalement renvoyé au vendredi 14 février. D'ici là, l'accusé a été remis en liberté.
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.