"Elles n'ont pas une couleur, elles n'ont pas un signalement spécifique et il est arrivé, il y a plusieurs mois, que des policiers soient obligés de les utiliser pour se désengager d'une menace et que des manifestants les prenant volontairement en main se blessent gravement. C'est la raison pour laquelle je pense qu'il nous faut retirer les GLI-F4", a déclaré le ministre de l'Intérieur sur France 3.
Cette annonce surprise quoique symbolique anticipe les conclusions du futur schéma national du maintien de l'ordre qui sont attendues dans les prochaines semaines, selon l'entourage du ministre de l'Intérieur.
"Cette décision n'a pas été prise du jour au lendemain. Elle s'inscrit dans le schéma national, un travail qui a duré plus de huit mois, avec des experts. Nous avons écouté aussi les associations", assure cette même source.
Régulièrement décriée par des manifestants et contestée - sans succès - jusque devant le Conseil d'Etat, pour sa dangerosité, cette petite grenade (17,8 cm de hauteur, 5,6 cm de diamètre, 190 g) a un triple effet lacrymogène, sonore (forte détonation) et de souffle.
Ces dernières années, plusieurs personnes ont eu la main arrachée lorsqu'ils ont voulu s'emparer de la grenade lors de manifestations à Notre-Dame-des-Landes ou dans le cadre du mouvement des "gilets jaunes".
La dangerosité de la grenade réside dans son caractère explosif (elle contient 26 g de TNT). Elle "permet à quelqu'un qui est en difficulté, agressé par un groupe, de pouvoir se dégager d'une situation, elle disperse", expliquait en 2019 à l'AFP un formateur dans la police.
"Elle avait un effet détonnant et dissuasif. Une GLI, ça résonne et ça a un effet de souffle qui impressionne les organismes. C'était un moyen de défense ultime. Mais lorsqu'elle était lancée à la main, elle pouvait être ramassée par des inconscients qui pouvaient avoir la main arrachée", explique un CRS.
"Bonne nouvelle"
Contacté par l'AFP, Antoine Boudinet, qui a eu la main arrachée par une GLI-F4 le 8 décembre 2018 en marge d'une manifestation de "gilets jaunes" à Bordeaux, estime que ce "coup médiatique" et cet "effet d'annonce" ne sont "pas suffisants" car "c'est toute la politique du maintien de l'ordre en France qu'il faut réformer".
"On s'y attendait avec toutes ces polémiques" mais "c'est quand même une bonne nouvelle", ajoute M. Boudinet, qui figure sur la liste anticapitaliste de Philippe Poutou (avec le NPA, LFI, des associations et des "gilets jaunes") pour les municipales à Bordeaux.
"C'est une décision nécessaire mais beaucoup trop tardive. Des blessures auraient pu être évitées s'il avait pris cette décision à temps", a commenté l'avocat Raphaël Kempf, qui défend plusieurs "gilets jaunes".
Deux sources sécuritaires ont précisé que les stocks de GLI-F4 étaient en voie d'épuisement, notamment chez les gendarmes mobiles et les CRS. "Pour nous, ça ne change rien puisque la GLI est remplacée par la GM2L", une grenade lacrymogène assourdissante mais sans TNT, avance le CRS.
"Les stocks n'allaient pas être épuisés en une semaine. Nous choisissons d'arrêter tout et maintenant. C'est une décision forte", fait-on valoir dans l'entourage du ministre.
"C'est simplement un effet d'annonce à vocation politique à quelques semaines des municipales", rétorque Yves Lefebvre, secrétaire général d'Unité-SGP-FO. "Mais ça risque tout de même de provoquer une polémique en interne."
Un autre type de grenades, les OF-F1, avait été interdit en mai 2017 pour le maintien de l'ordre, après la mort en 2014 du militant écologiste Rémi Fraisse à Sivens (Tarn).
En rappelant l'usage "proportionné et mesuré" de la force, en dénonçant "des croche-pied à l'éthique" ou en demandant de nouvelles mesures pour la déontologie, l'exécutif a fait récemment évoluer son discours sur le maintien de l'ordre et les violences policières, terme qu'il continue de réfuter.
M. Castaner a cependant rappelé dimanche que la nouvelle stratégie de maintien de l'ordre décidée début décembre 2018, après des émeutes à Paris, était toujours à l'ordre du jour.
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