La voix calme, solide dans le box, l'accusé de 35 ans - qui a fui la Syrie à l'été 2014 - affiche face à la cour d'assises spéciale, qui le juge aussi pour financement du terrorisme et direction d'un groupe terroriste, une posture de repenti, assurant être "revenu" de l'idéologie jihadiste.
Son adhésion à ces "thèses folles", Mourad Farès la situe à "décembre 2012", au contact de son "mentor" Oumar Diaby, autre figure du recrutement de jihadistes francophones. Une écoute téléphonique et le témoignage de son ex-compagnon laissent suggérer une radicalisation plus ancienne de quelques mois, ce qu'il nie.
Avec sa propagande active sur les réseaux sociaux et sa participation à plusieurs réunions évoquant des départs en Syrie, Mourad Farès est soupçonné d'avoir poussé de nombreux jeunes, dont des adolescents, sur la route du jihad.
"Je ne peux pas vous expliquer à quel point je suis catastrophé de me rendre compte que j'ai pu participer à ça", soutient l'accusé, interrogé sur une vidéo "guerrière" à laquelle il prête sa voix, diffusée au printemps 2013 et visionnée à 250.000 reprises sur YouTube.
Mourad Farès était lui-même parti pour la Syrie en juillet 2013, traversant l'Europe en voiture avec trois personnes, dont deux sont présumées mortes dans des combats et jugées par défaut. Un quatrième, Ala Eddine Benali, qui comparaît libre sous contrôle judiciaire, n'avait pu entrer sur le territoire pour un problème de passeport.
"Certaine logistique"
Depuis la Syrie, Mourad Farès aurait continué à "recruter" de jeunes volontaires, leur donnant des "instructions très claires" sur leur voyage ou les aidant à passer la frontière, relève la présidente Emmanuelle Bessone.
Parmi les "recrues" imputées à Mourad Farès, dont le nom est apparu dans de nombreux dossiers de filières d'acheminement ces dernières années: un groupe de dix Strasbourgeois, dont faisait partie Foued Mohamed-Aggad, l'un des futurs kamikazes du Bataclan.
"J'y ai souvent pensé, c'est moi qui les avait aidés en donnant le numéro d'un passeur", convient Mourad Farès, "écoeuré" car la tuerie jihadiste du Bataclan, "c'est tellement opposé à ce qu'on voulait faire là-bas", "le jihad contre Bachar al-Assad".
A l'arrivée des Strasbourgeois en Syrie, mi-décembre 2013, Mourad Farès, alors "très critique" de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL, devenu Etat islamique en 2014) qu'il était en train de quitter, les "avait dissuadés de rester" au sein de l'organisation. "Je n'ai pas dû assez insister", déplore-t-il devant la cour.
Il conteste cependant avoir eu une quelconque influence sur leur départ. Après l'avoir accablé à leur retour en France - par "opportunité" selon Mourad Farès, lui-même se trouvant encore en Syrie - certains des sept survivants du groupe de Strasbourg l'ont dédouané à l'audience, le présentant plus comme un "facilitateur".
Interrogé dans l'après-midi sur son périple syrien, Mourad Farès a de nouveau réfuté avoir combattu, malgré plusieurs photos au dossier le montrant arme à la main et en tenue de combat.
Fin 2013, après sa "désertion" de l'EIIL, Mourad Farès avait intégré la brigade de jeunes combattants francophones constituée par Oumar Diaby, aussi connu sous le nom d'Omar Omsen.
Il a de nouveau contesté avoir dirigé ce groupe début 2014, en l'absence de "l'émir" Diaby parti au Sénégal, tout en assumant pour la première fois une "participation active à une certaine logistique, essentiellement pour l'hébergement".
"Les gens prenaient l'habitude de se tourner vers moi pour des services car je parlais arabe", explique Mourad Farès.
Jeudi, d'ex-membres de la brigade ont aussi nuancé le statut de Mourad Farès, pour eux un "logisticien" avec "certaines responsabilités".
Au retour d'Oumar Diaby en Syrie en février-mars 2014, Mourad Farès avait quitté le groupe suite à une "dispute" qui, assure-t-il, n'était pas "une lutte de pouvoir", puis la Syrie quatre mois plus tard. Arrêté en Turquie, il avait été remis à la France en septembre 2014.
Les réquisitions sont prévues en fin d'après-midi.
Verdict attendu dans la nuit.
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