Après l'Assemblée nationale, qui l'a adopté en première lecture mi-octobre, le Sénat va débattre jusqu'au 4 février du texte de révision des lois de bioéthique, troisième du genre, dans le prolongement des lois de 2004 et 2011. Le projet repartira ensuite en deuxième lecture devant les députés.
Comme à l'Assemblée nationale, les débats s'annoncent passionnés sur un texte qui a l'ambition de remanier le cadre de la loi pour tenir compte des évolutions scientifiques, technologiques, mais aussi sociétales, dans le respect des principes éthiques.
Le président du Sénat Gérard Larcher (LR), qui présidera l'ouverture de la séance mardi après-midi, entend faciliter "une écoute mutuelle" et garantir un débat "de qualité".
Quelque 280 amendements ont été déposés, presque 10 fois moins qu'à l'Assemblée. Un des quatre co-rapporteurs de la commission spéciale constituée pour examiner le texte, Olivier Henno (centriste), y voit "un signe de bonne santé du Sénat".
Mesure emblématique, l'ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes célibataires a reçu un premier feu vert des sénateurs en commission.
A l'initiative de la co-rapporteure LR Muriel Jourda, opposée à l'extension de la PMA, les sénateurs ont néanmoins réservé sa prise en charge par l'assurance maladie aux demandes fondées sur un critère médical.
La PMA pour toutes doit maintenant être votée dans l'hémicycle et le résultat s'annonce serré.
"Un combat se prépare", prédit le chef de file des socialistes Patrick Kanner, alors que la gauche est très majoritairement en faveur de la mesure.
"Ethique à la française"
Une partie de la droite - environ deux-tiers du groupe Les Républicains selon son président Bruno Retailleau - y est fondamentalement opposée. Les opposants à la PMA "sans père" se sont rappelés à leur bon souvenir en défilant dans la rue dimanche à Paris, à l'appel d'un collectif de 22 associations, dont La Manif pour tous.
La liberté de vote est traditionnellement de mise sur les sujets qui touchent à l'intime, et les positionnements personnels dépassent les clivages partisans, chamboulant la logique arithmétique.
Découlant de l'ouverture de la PMA aux couples de lesbiennes, la réforme de la filiation risque, elle aussi, d'être âprement discutée. C'est seulement à une voix près que les sénateurs ont donné leur feu vert en commission au nouveau mode de filiation qui permet à la femme qui n'a pas porté le bébé d'être reconnue comme l'un de deux parents, à égalité avec sa compagne.
Pour Mme Jourda, non seulement le texte "n'est pas dans l'intérêt de l'enfant", mais "en plus il maltraite le droit de la filiation".
"Les conclusions de la commission ne sont en aucun cas une position d'équilibre. Elles ne peuvent pas satisfaire la majorité du groupe", estime pour sa part M. Retailleau.
Sur le volet scientifique, les sénateurs sont même allés un peu plus loin que l'Assemblée nationale, en portant par exemple de 14 à 21 jours la culture d'embryons dans le cadre de protocoles de recherche.
Ils ont aussi autorisé, sous conditions, des tests génétiques à visée généalogique, ou encore élargi, à titre expérimental et de manière strictement encadrée, l'utilisation du diagnostic préimplantatoire aux anomalies chromosomiques.
Pour Olivier Henno, le texte sorti de la commission est "conforme à l'éthique à la française, il humanise la recherche, les évolutions de la société, mais ce n'est pas la crainte de l'avenir".
Délégué général de l'association Alliance Vita, Tugdual Derville a dit espérer que les sénateurs "auront davantage de prudence et de sagesse" dans l'hémicycle qu'en commission.
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