"Pour moi, à l'époque je ne commettais pas d'agressions sexuelles mais des caresses, des câlins. Je me trompais. Ce qui me l'a fait comprendre, ce sont les accusations des victimes", se défend l'ancien prêtre de 74 ans à son procès pour des agressions pédophiles commises entre 1971 et 1991, alors qu'il officiait comme vicaire-aumônier scout à Sainte-Foy-Lès-Lyon (Rhône).
Ses proies étaient des scouts âgés de 7 à 15 ans à l'époque des faits, sous l'emprise de ce prêtre imposant, charismatique, adulé par les parents et les enfants eux-mêmes.
"Je savais bien que ces gestes étaient interdits, des caresses que je n'aurais pas dû faire. D'ailleurs c'était en cachette", admet-il, très droit à la barre, les bras le long du corps et la voix un peu cassée. "Et cela m'apportait du plaisir sexuel forcément".
En marge de l'audience, Me Emmanuelle Haziza, l'avocate d'une des victimes, Pierre-Emmanuel Germain Thill, estime être "face au plus grand prédateur sexuel de la région lyonnaise. A la fois, il nie le caractère sexuel de ce qu'il a fait subir aux gamins, mais avoue avoir touché des centaines et des centaines d'enfants".
A la barre, l'intéressé évoque "quatre ou cinq enfants en une semaine".
"Cela fait presque un enfant par jour", constate la présidente Anne-Sophie Martinet.
François Devaux, l'une des victimes de Preynat et cofondateur de l'association La Parole Libérée admet: "le moment que je vis là, au procès, c'est le plus dur que j'ai vécu depuis le début de l'affaire". Avant de parler de "l'enfer" qu'il a fait vivre à ses parents - les seuls à avoir alerté les autorités ecclésiastiques sur les faits subis par leur fils -, à toute sa famille, "la violence" qui l'habitait, son adolescence "très difficile, très compliquée".
"Pouvoir absolu"
Pour la première fois, François Devaux, parle aussi de sa "tentative de suicide". "Avant, je crois, j'étais un enfant lumineux. Après ça, j'ai vécu une vie très sombre (...) flirté avec des choses très dangereuses".
"Souffrance, colère... Quelle que soit la décision de ce procès, le préjudice, le traumatisme subi dans mon enfance continuera. Ma responsabilité, c'est que cela ne se reproduise plus", relève celui qui, avec La Parole Libérée, est parvenu à faire comparaître l'archevêque de Lyon Philippe Barbarin devant la justice pour ses silences sur les actes de Preynat.
Pourtant, à l'époque, quand ses parents le retirent des scouts suite à ses confessions, il leur en veut en dépit des faits et de la détresse qu'il voit dans leurs yeux. Pourquoi ?
"Un enfant, dit-il, il cherche à ce que l'on s'intéresse à lui. Faire partie de la protection de cet homme adulé, puissant, partager un +secret+ avec lui; l'enfant de 10 ans que j'étais croyait être le seul, en était fier et se sentait à la bonne place".
"On peut faire ce qu'on veut avec un enfant, il suffit qu'il se sente unique...".
Preynat "incarnait une hiérarchie absolue, un pouvoir absolu, quelqu'un qui fait le lien entre Dieu et les hommes", se souvient François Devaux, avant d'évoquer le malaise ressenti tout de même quand il se retrouvait seul avec lui et "les étreintes très fortes, les caresses sur les cuisses, les baisers..." du prêtre.
Rappelé à la barre, Bernard Preynat dément tout baiser sur la bouche. "Je ne m'en souviens pas. En écoutant les conséquences terribles sur son adolescence, sa famille, qu'à cause de moi il ait tenté de se suicider, je suis assommé et mesure la responsabilité de mes actes".
Mardi après-midi, d'autres victimes doivent témoigner. L'une d'entre elles, Benoit P., a demandé un huis clos partiel avant la reprise de l'audience publique. Dix parties civiles, sur 35 victimes entendues pendant l'enquête, sont constituées au procès, beaucoup de faits étant frappés de prescription.
L'ex-curé, réduit à l'état laïc au terme de son procès canonique l'été dernier, encourt jusqu'à 10 ans d'emprisonnement.
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