Face à des manifestations accusant depuis samedi soir les autorités d'avoir menti à la population, les policiers de Téhéran ont reçu des consignes de "retenue", a indiqué le général Hossein Rahimi, commandant de la police dans la capitale, près de deux mois après la violente répression d'un mouvement de contestation dans le pays.
Certains responsables ont "été accusés de mensonge et de tentative d'étouffer l'affaire (du crash) (...) honnêtement, cela n'a pas été le cas", a déclaré à la presse le porte-parole du gouvernement, Ali Rabii.
Jeudi et vendredi, les autorités civiles avaient nié l'hypothèse selon laquelle l'avion d'Ukraine International Airlines ait pu être abattu par un missile iranien, avancée dès mercredi soir par le Canada, dont de nombreux ressortissants figurent parmi les 176 victimes du crash.
Samedi, les forces armées iraniennes ont reconnu leur responsabilité dans le drame.
"Nous n'avons pas menti (...) Ce que nous avons dit jeudi (...) était basé (...) sur les renseignements qui avaient été présentés à l'ensemble du gouvernement (et) selon lesquels il n'y avait aucun rapport entre l'accident et un (tir de) missile", a affirmé M. Rabii.
L'annonce de la responsabilité des forces armées a créé un choc en Iran.
"Mort aux menteurs"
Dès samedi soir, une cérémonie d'hommage aux victimes dans une université de Téhéran a viré à la manifestation contre les autorités, aux cris de "mort aux menteurs", avant d'être dispersée par la police.
Dimanche soir, de nouveau, des rassemblements de colère, d'une ampleur difficile à évaluer, ont eu lieu dans la capitale.
Des vidéos publiées sur les réseaux sociaux et qui n'ont pu être authentifiées immédiatement laissent penser qu'une personne pourrait avoir été blessée par un tir de grenade lacrymogène.
"La police a traité les (manifestants) avec patience et tolérance" et "n'a pas du tout tiré sur les rassemblements parce que la retenue était à l'ordre du jour", a assuré lundi le général Rahimi.
L'Iran a été secoué à la mi-novembre par une contestation après l'annonce d'une hausse soudaine et forte du prix de l'essence. Amnesty International estime qu'au moins 300 personnes ont été tuées dans la répression ayant éteint le mouvement en trois jours.
Berlin a exhorté lundi Téhéran à accorder au peuple iranien "la possibilité de protester pacifiquement et librement" afin d'exprimer "sans entrave" sa "douleur" et sa "colère".
Dimanche, le président américain Donald Trump a mis en garde les dirigeants iraniens. "NE TUEZ PAS VOS MANIFESTANTS", a-t-il tweeté. "Le monde regarde. Plus important, les Etats-Unis regardent."
"Jours noirs"
La tension chronique entre Téhéran et Washington, deux ennemis, a connu un brusque accès le 3 janvier avec l'élimination du général iranien Qassem Soleimani, par une frappe de drone américain à Bagdad.
L'assassinat de cet officier responsable des opérations extérieures de l'Iran a été suivie le 8 janvier de tirs de missiles iraniens, n'ayant fait aucune victime, contre des cibles militaires américaines en Irak, quelques heures avant le drame du vol PS752.
Selon les forces armées iraniennes, la catastrophe est le résultat d'une "erreur humaine", commise par l'opérateur d'un système de missile alors que la défense du pays était sur le qui-vive par crainte d'une attaque américaine.
Dimanche, la une du journal Hamshahri, publication de la mairie de Téhéran, était barrée d'un "Honte" en lettres rouge sur fond noir.
"Ces jours sont si noirs et sans espoir (...) je vais aller manifester ce soir", confiait dimanche à l'AFP un habitant de Téhéran.
L'apparente unité nationale ayant suivi la mort de Soleimani, à qui des foules d'Iraniens ont rendu hommage dans plusieurs villes, semble avoir volé en éclat depuis samedi.
Le général Amirali Hajizadeh, chef de la branche aérospatiale des Gardiens de la Révolution a endossé la "responsabilité totale" du drame.
Il a indiqué que l'état-major des forces armées avait ouvert dès mercredi une enquête sur des soupçons que le Boeing ukrainien ait pu être abattu par un missile iranien.
Selon lui, l'information n'a pas été transmise aux autorités civiles immédiatement, à cause d'une procédure imposant le silence aux militaires pendant l'enquête.
Selon M. Rabii, le président Hassan Rohani n'a été prévenu que vendredi que l'avion avait été touché par un missile.
Cette crise a révélé "qu'il y a des structures défectueuses" au sein du système de gouvernement iranien, a dit M. Rabii. "Pourquoi le président a-t-il été informé tardivement? La président pose-lui même la question sur ce retard et il exige qu'on y réponde."
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.