Et dans une société très policée qui a érigé le conformisme en vertu cardinale, les adeptes sud-coréens du headbang (danse agitant la tête, souvent chevelue) sont aussi bien coiffés que le quidam dans la rue.
C'est au détour d'un dédale de couloirs dans ce sous-sol de Séoul que l'on tombe finalement sur une étroite salle de concert où se déroule une bataille d'un soir entre groupes de metal devant des spectateurs sagement assis.
Ce n'est que quand Chu Yeonsik, le chanteur de Monsters Dive, le leur demande qu'ils se mettent debout.
"Vous êtes prêts?", hurle le poing en avant l'étudiant en école d'infirmier de 25 ans, comme s'il devait embarquer avec lui la foule de Wembley ou du Stade de France.
Techniquement, rien à redire. Le set de Monsters Dive est carré, empreint de cette rigueur inculquée dès le plus jeune âge par le très concurrentiel système éducatif sud-coréen.
"Je n'écoute d'habitude jamais de metal", confie dans le public Nam Ji-eun, 23 ans. "Mais le concert était super. Même si je ne connais rien du metal, j'ai trouvé les chansons avaient la pêche. J'ai encore leur air en tête".
Tout pour la K-pop
Mais Kim Sangwan, 35 ans, guitariste, fondateur et producteur de Monsters Dive, reconnaît lui-même que le metal est une niche en Corée du Sud. "Je ne crois pas que le metal occupera un jour le devant de la scène parce que c'est un style musical bruyant avec un public bien à lui. En Corée, même au sein des genres musicaux confidentiels, c'est un genre mineur".
"Les Sud-Coréens ont tendance à suivre les modes en troupeau. Si c'est la K-pop, alors ils n'écoutent que la K-pop. En Corée, la K-pop et le hip-hop sont populaires, mais au-delà, la plupart des autres genres sont snobbés", poursuit-il.
L'industrie de la K-pop rapporte des milliards de dollars à la Corée du Sud et le gouvernement la soutient activement comme produit d'exportation.
Avec leurs arrangements musicaux efficaces et leurs chorégraphies millimétrées, les groupes de la "vague coréenne" ont pris d'assaut l'Asie mais se sont également popularisées dans le reste du monde.
Au moment où les quartiers étudiants de Séoul se gentrifient, la petite scène metal est de plus en plus underground, au sens premier du terme, reléguée dans des salles très confidentielles quasi invisibles pour le public non averti.
Cachets dans un pot commun
Certains ont profité de l'évolution urbaine pour monter des lieux de concert et de répétition dans d'anciens immeubles industriels comme dans le quartier de Mullae, et parfois même, à point nommé, dans d'ex-ateliers de métallurgie.
Chu Yeonsik, qui n'a rejoint Monsters Dive que très récemment, enchaîne aussi les petits boulots en dehors en plus de ses études pour se permettre financièrement d'assouvir sa passion du heavy metal.
Les plus gros cachets du groupe dépassent à peine les 350 dollars qui iront -comme du reste les revenus de la vente de CD et produits dérivés- dans un pot commun permettant de payer la location des salles de répétition, les sessions studio et la production de vidéos qui assurent la présence cruciale de Monsters Dive sur les réseaux sociaux.
Le soutien parental est souvent un plus pour ces guitar heroes de seconde zone qui sont dans le heavy metal par amour, et certainement pas pour l'argent.
"J'étais un jour en voiture avec ma mère et elle a mis mon CD dans le lecteur", raconte Chu Yeonsik.
"Elle m'a dit que c'était trop criard, que ça la stressait d'entendre ainsi ma voix pleine de colère et qu'elle risquait de dépasser les limites de vitesse", rigole-t-il.
"Mais elle a aussi dit qu'elle aimait la musique et qu'elle me soutenait".
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