"La souffrance exprimée par Madame Vanessa Springora dans +Le Consentement+, fait entendre une parole dont la force justifie cette mesure exceptionnelle", affirme mardi dans un communiqué la maison d'édition qui publiait ce journal depuis 1990, en plusieurs volumes.
Les exemplaires encore présents en librairie, dont le dernier volume "L'Amante de l'Arsenal" sorti mi-novembre, vont ainsi être rappelés. Il s'en était vendu seulement "quelques centaines d'exemplaires", a précisé l'éditeur.
C'est la première fois que Gallimard prend une telle mesure, a indiqué à l'AFP la maison d'édition. La décision a été prise alors que l'écrivain de 83 ans est visé depuis vendredi par une enquête pour "viol sur mineur" de moins de 15 ans, ouverte 24 heures après la sortie du livre de Vanessa Springora, directrice des éditions Julliard.
Dans "Le Consentement" publié chez Grasset, cette femme de 47 ans raconte comment elle a été séduite par Gabriel Matzneff à l'âge de 13 ans, la relation sous emprise qu'elle a eue ensuite avec lui et les blessures que cela a laissées dans sa vie.
"A quatorze ans, on n'est pas censée être attendue par un homme de 50 ans à la sortie de son collège, on n'est pas supposé vivre à l'hôtel avec lui, ni se retrouver dans son lit, sa verge dans la bouche à l'heure du goûter", raconte Vanessa Springora dans son livre, qui s'est hissé dans le top 5 des ventes physiques et numériques sur Amazon France.
Elle décrit aussi un homme au comportement de prédateur, faisant du tourisme sexuel en Asie, ce dont il rend compte dans ses ouvrages.
Pendant longtemps, les pratiques pédophiles de l'écrivain ont été tolérées dans le milieu littéraire, célébrant sa plume et voyant dans ses agissements une forme d'hédonisme.
Milieu littéraire secoué
Gabriel Matzneff a été distingué en 2013 par le prix Renaudot essai. Une attribution "maladroit(e)", a estimé avec le recul Frédéric Beigbeder, membre du jury, dans une interview la semaine dernière au Parisien.
Avant même sa sortie le 2 janvier, "Le Consentement" a secoué le milieu littéraire et médiatique dans un contexte de dénonciation des violences sexuelles marquées par les récentes accusations de l'actrice Adèle Haenel à l'encontre du cinéaste Christophe Ruggia et la nouvelle accusation de viol visant le réalisateur Roman Polanski.
L'éditrice Vanessa Springora sera mardi soir sur le plateau de "Quotidien" sur Canal+ et mercredi dans "La grande librairie" sur France 5, dont Matzneff avait été l'invité en 2015.
Silencieux depuis plusieurs jours après quelques rares interviews, l'écrivain octogénaire a renoncé à sa chronique dans l'hebdomadaire Le Point et pourrait se voir retirer une aide publique accordé à des auteurs vieillissants ayant de faibles revenus.
Le ministre de la Culture Franck Riester a estimé lundi que cette allocation accordée par le Centre national du livre, dont il bénéficie depuis 2002, n'était "pas justifiée".
Une commission restreinte va être mise en place rapidement pour décider de la reconduction des allocations de ce système appelé à disparaître progressivement.
"Est-ce que M. Matzneff par le caractère autobiographique de ses récits contribue par ses écrits à la renommée de la littérature française en se faisant le chantre de la pédocriminalité? Je considère que non. Est-ce que le train de vie fastueux décrit dans ses livres justifie le versement d'une telle allocation? Je considère également que non", a affirmé mardi le ministre lors d'un point presse.
Il propose également de réexaminer les décorations remises à Gabriel Matzneff, officier des Arts et Lettres depuis 1995 et chevalier de l'Ordre national du mérite depuis 1998, dans le cadre des prochaines réunions des organismes les attribuant.
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