La question semblait tranchée depuis la loi contre les violences sexuelles d'août 2018: le gouvernement a alors renoncé à instaurer un âge minimal de consentement à un acte sexuel, qui aurait impliqué que toute pénétration sur un mineur de moins de 15 ans aurait été automatiquement considérée comme un viol.
Mais les scandales à répétition et en particulier, le dernier d'entre eux, initié par le roman autobiographique de l'éditrice Vanessa Springora, "Le consentement", à paraître jeudi, remettent le sujet à l'ordre du jour.
"Comment admettre qu'on a été abusé quand on ne peut nier qu'on a été consentant ? Quand, en l'occurrence, on a ressenti du désir pour cet adulte qui s'est empressé d'en profiter ? Pendant des années, je me débattrai moi aussi avec cette notion de victime, incapable de m'y reconnaître", écrit Vanessa Springora, aujourd'hui âgée de 47 ans. Elle raconte comment elle a été séduite par Gabriel Matzneff, presque quinquagénaire, alors qu'elle n'avait même pas 14 ans.
"Toute la société a laissé faire Gabriel Matzneff", dénonce Homayra Sellier, présidente de l'association "Innocence en danger". "Des affaires, il y en aura d'autres car la parole se libère grâce à des femmes courageuses comme Vanessa (Springora) et Adèle (Haenel). Il faut saisir ce moment pour avoir une société saine". Or la loi d'août 2018 n'est "pas satisfaisante" pour cette militante.
Selon ce texte, le fait pour un majeur d'avoir une relation sexuelle avec un mineur de moins de quinze ans est passible de sept ans d'emprisonnement, contre cinq auparavant. La loi visait à "faciliter" les condamnations pour viol après deux affaires où des fillettes de 11 ans avaient été considérées par la justice comme consentantes à des relations sexuelles avec des hommes majeurs.
La loi allonge le délai de prescription de vingt à trente ans pour les crimes sexuels commis sur les mineurs, afin de laisser davantage de temps aux victimes pour porter plainte et de faciliter la répression de ces actes.
Mais pas question en revanche d'un âge minimal de consentement. L'exécutif avait mis en avant le risque qu'une telle mesure soit jugée anticonstitutionnelle.
- Risques suicidaires -
"Il est nécessaire que cela revienne dans le débat", affirme Muriel Salmona, psychiatre, présidente de l'association Mémoire Traumatique et Victimologie. Cet âge minimal "est un progrès dans la protection de l'enfance dont on ne peut pas faire l'économie".
"Un enfant ne peut pas donner un consentement libre et éclairé dans le cadre d'une relation sexuelle avec un adulte. Il n'a pas le discernement, la maturité. Un enfant ne peut être l'objet sexuel d'un adulte. Il y a ensuite des risques de dépression, d'addiction, des risques suicidaires", détaille la psychiatre. "En dessous de 15 ans, il ne doit pas y avoir de débat: c'est un viol", résume Homayra Sellier.
Pour le magistrat Jean-Pierre Rosenczveig, ancien président du tribunal pour enfants de Bobigny, "il faudrait quitter le terrain du consentement, bien trop subjectif, pour aller sur le critère de l'âge".
Il critique "la complaisance" qui dominait dans les années 70 et 80 vis-à-vis des "prédateurs", "soi-disant dans l'esprit post-68". "Dans l'ambiance globale des années 80, il y avait une négation que les enfants puissent être victimes de violences, y compris sexuelles", selon le magistrat. Même si la loi posait déjà l'interdit de la pédophilie, Gabriel Matzneff n'a pas été poursuivi.
M. Rosenczveig met en avant une vidéo de Bernard Pivot interrogeant sur un ton badin l'écrivain sur son attirance sexuelle pour les "moins de 16 ans". "C'est révélateur non de l'ignorance de la loi, mais de l'ignorance de ce qui se jouait pour de nombreux enfants. Or maintenant, on ne peut plus se retrancher derrière cette ignorance".
"Les enfants ont droit à de l'amour, mais pas à ce qu'on le leur fasse", résume le magistrat.
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