Le couvent de Mingalar Thaikti au cœur d'une banlieue pauvre de Rangoun est plongé dans l'obscurité quand, comme tous les matins, Dhama Theingi, une novice de 18 ans, se lève à 4h00 et enchaîne deux heures de prières avant le petit déjeuner.
La tête rasée, vêtue d'une robe rose pâle, un bol dans la main, elle part ensuite deux fois par semaine sillonner les rues pour demander l'aumône: du riz cru ou de la petite monnaie. Collecter de l'argent rapidement est crucial: il faut vite acheter de quoi se nourrir car à partir de midi il sera interdit de manger jusqu'au lever du soleil le lendemain matin.
Dhama a intégré le monastère il y a neuf ans. Elle a fui l'État Shan (est), une région frontalière de la Chine, à plusieurs centaines de kilomètres de Rangoun, gangrénée par la drogue et les combats entre forces armées birmanes et guérillas ethniques.
"Il y avait beaucoup de violences (...) Ce n'était pas facile d'étudier", raconte à l'AFP l'adolescente qui rêve de devenir ingénieure.
Comme elle, soixante-six jeunes filles, âgées de quatre à dix-huit ans, ont fui cet Etat pour étudier à Mingalar Thaikti. Elles font partie de l'ethnie Palaung, une des innombrables minorités de Birmanie.
18.000 novices
Depuis l'indépendance de 1948, les gouvernements centraux successifs combattent une myriade de groupes armés qui se font aussi la guerre entre eux sur fond de contrôle du trafic de drogue et des ressources naturelles.
Le processus de paix, relancé par Aung San Suu Kyi après son arrivée au pouvoir en 2016, est dans l'impasse, poussant les familles à envoyer leurs enfants dans les monastères pour étudier et se protéger.
Quelque 18.000 novices, garçons et filles, fréquentent actuellement les écoles monastiques de la capitale birmane, pays à près de 90% bouddhiste, d'après Sein Maw du ministère des Affaires religieuses et de la Culture.
"Ce nombre continue d'augmenter" alors que les violences ne montrent aucun signe de ralentissement.
Entre aumônes, prières, études et corvées ménagères, la vie monastique est rude et encore plus difficile pour les adolescentes que pour les garçons.
Dans cette société patriarcale et très conservatrice, ces derniers sont mieux considérés et reçoivent généralement davantage de dons. Les nonnes sont aussi raillées pour avoir échoué à trouver un petit ami ou à se marier.
Quand elles ne font pas l'aumône, les adolescentes étudient. Mais là aussi, la tâche est ardue car elles doivent suivre le programme birman. Or, à leur arrivée au monastère, quasiment aucune ne parle la langue nationale mais uniquement le dialecte de leur ethnie.
"Il y a aussi beaucoup de choses que nous ne pouvons pas faire en tant que religieuse et cela m'énerve vraiment", soupire Dhama qui ne peut pas s'adonner à sa passion, le football, car il est mal vu que les filles pratiquent un sport.
Pourtant, malgré les obstacles, très peu retournent vivre dans leur famille.
Khin Mar Thi, 17 ans, envoyée il y a une dizaine d'années au monastère de Mingalar Thaikti avec ses quatre sœurs, a décidé de rester.
Mes parents me manquent et quand je vois des adolescentes dans la rue, "j'aimerais parfois être aussi jolies qu'elles", soupire-t-elle.
Mais, "la vie ici est tout de même plus facile: vous n'avez pas à vous inquiéter, à avoir constamment peur de la guerre".
En Etat Shan, la situation ne semble pas prête de s'améliorer: les récents investissements de Pékin dans la région au titre du titanesque projet chinois des "Nouvelles routes de la soie" aiguisent l'appétit des factions rebelles alors que ce territoire ne cesse de prendre de la valeur.
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