Alors que le pouvoir s'enfonce dans la paralysie entre les pro-Iran qui cherchent à imposer leur candidat et le président de la République qui fait de la résistance, la rue, elle, se réveille après plusieurs semaines d'accalmie.
Les villes du sud sont de nouveau prises dans un épais nuage de fumée noire: des pneus brûlés bloquent la circulation, signe du ras-le-bol des manifestants qui veulent mettre à bas tout le système et ses politiciens avec.
Ils sont des milliers en travers des routes et des ponts ou devant des administrations qu'ils ferment une par une "sur ordre du peuple", en dépit d'une large campagne d'intimidation menée selon l'ONU par "des milices", à coups d'assassinats et d'enlèvements de militants.
"Compétent et indépendant"
La désobéissance civile a été de nouveau décrétée à Diwaniya, Nassiriya, al-Hilla, Kout et Amara, toutes des villes du sud du pays, où les portes des écoles et des administrations sont restées fermées lundi, paralysant le Sud comme en octobre et novembre avant un essoufflement du mouvement.
"On durcit la mobilisation parce qu'on refuse le candidat de la classe politique qui nous vole depuis 2003", lance à l'AFP Ali al-Diwani, un jeune manifestant.
Pour les Irakiens dans la rue depuis le 1er octobre, le système politique instauré par les Américains à la chute de Saddam Hussein en 2003 et désormais noyauté par les Iraniens est à bout de souffle.
En 16 ans, disent-ils, la renaissance économique promise n'est jamais arrivée alors que plus de la moitié des juteux revenus du pétrole se perdait dans les poches de politiciens et d'entrepreneurs véreux.
Alors pas question, poursuivent-ils, que le futur Premier ministre soit issu du sérail.
"On veut une chose très simple: un Premier ministre compétent et indépendant, qui n'a jamais été mêlé aux partis au pouvoir depuis 2003", explique à l'AFP Mohammed Rahmane, un ingénieur qui défile à Diwaniya.
Mais les factions pro-Iran, grand et influent voisin en Irak, poussent pour un homme: le ministre démissionnaire de l'Enseignement supérieur, Qoussaï al-Souheil.
Face à eux, le président Barham Saleh, qui doit signer la nomination du Premier ministre, oppose son veto catégorique à un candidat conspué par la rue, assure à l'AFP une source au sein de la présidence.
Et il n'est pas le seul: le turbulent leader chiite Moqtada Sadr, qui tient le premier bloc au Parlement, refuse personnellement M. Qoussaï, un ancien ténor de son mouvement, passé ensuite dans le camp de son ennemi juré, l'ancien Premier ministre Nouri al-Maliki, pro-Iran.
"Quels que soient les sacrifices"
Pour obtenir le renouvellement de la classe politique qu'ils réclament, les manifestants exigent une refonte de la loi électorale.
Le gouvernement et le Parlement ont laborieusement entamé la réforme du système alambiqué qui mêle proportionnelle et scrutin de listes, favorisant les grands partis et leurs têtes de liste, inchangées depuis 16 ans.
Les manifestants, eux, veulent un scrutin uninominal "pour garantir l'entrée en politique d'une nouvelle génération qui pourra assainir tout ce que les partis au pouvoir ont corrompu", poursuit Mohammed Rahmane.
Le Parlement doit se réunir en fin d'après-midi pour discuter la loi électorale et peut-être évoquer le poste de Premier ministre, qui devait être désigné depuis près d'une semaine mais dont la nomination n'a cessé d'être repoussée.
Ces arrangements avec la Constitution accentuent la menace d'un retour de la violence qui a déjà fait en près de trois mois près de 460 morts et 25.000 blessés, en grande majorité des manifestants touchés par les tirs des forces de l'ordre et qui pour beaucoup resteront handicapés à vie.
"Les dirigeants ne travaillent pas sérieusement à sortir de l'impasse, donc on va continuer à se mobiliser", prévient Saad Nasser, fonctionnaire de 30 ans, qui manifeste dans la province de Babylone.
"Et ce, jusqu'à ce que nos objectifs soient atteints. Et quels que soient les sacrifices".
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