"ADO ! ADO ! Macron ! Macron !", scandait la foule en accueillant le président français et son homologue ivoirien Alassane Dramane Ouattara, dit "ADO", à Bouaké, deuxième ville de Côte d'Ivoire.
"C'est la première fois depuis que la Côte d'Ivoire existe qu'un président français vient à Bouaké. Et il vient pour construire notre marché, seul lieu d'activité à Bouaké. Nous lui disons vraiment merci", a déclaré Sanata Traoré, commerçante, lors de la pose de la première pierre du marché de Bouaké.
D'un coût de 60 millions d'euros, financé par la France, le site, qui sera le plus grand marché couvert d'Afrique de l'Ouest, rassemblera 8.500 commerçants sur près de 9 hectares.
Les autorités ivoiriennes et françaises espèrent que cette infrastructure permettra de relancer l'activité économique jadis florissante et de faire oublier le passé de Bouaké, ex-capitale de la rébellion, ville de casernes régulièrement secouée par des mutineries ou des mouvements de grogne de militaires.
"Nous ne pourrons jamais remercier assez le président Macron. Ce marché a brûlé il y a plus de 20 ans et nous, commerçants, étions en détresse et dans la débrouillardise. Nous aurons un nouveau marché moderne", s'est réjoui Claude Kouassi, libraire à Bouaké.
Les deux présidents, qui ne se sont pas exprimés, ont effectué la pose de la première pierre lors d'une cérémonie expédiée au pas de course. Le temps, tout de même pour le président Macron, attendu à Niamey, de recevoir en cadeau un... cheval !
Auparavant, ils avaient rendu hommage dans l'ancien lycée Descartes aux neuf soldats français et à un Américain tués sur ces lieux en 2004, par un bombardement de l'armée ivoirienne. Un épisode charnière de la décennie de crise ivoirienne en novembre 2004 et un dossier qui garde de nombreuses zones d'ombre.
Au cours d'une cérémonie très sobre, les présidents Macron et Ouattara ont dévoilé une stèle "A la mémoire du citoyen américain et des neuf militaires français morts dans l'accomplissement de leur devoir" et déposé des gerbes aux couleurs ivoiriennes et françaises. Ils ont ensuite observé une minute de silence alors qu'on entendait la clameur de la foule qui attendait à l'extérieur.
Cet acte doit "oeuvrer à l'essentiel travail de réconciliation dont la République de Côte d'Ivoire a tant besoin et qui est le chemin sur lequel elle avance", avait dit M. Macron la veille.
Arrivée à Niamey
Le président français est ensuite arrivé à Niamey. Il participera à une autre cérémonie d'hommage, cette fois en l'honneur des 71 soldats nigériens ayant récemment péri dans l'attaque d'un camp militaire par les jihadistes.
Il pourra surtout s'entretenir avec son homologue nigérien Mahamadou Issoufou et préparer le sommet de Pau (sud-ouest de la France) qui doit réunir le 13 janvier les chefs d'Etat sahéliens de la force G5 Sahel.
Sur la même longueur d'ondes que M. Issoufou, qui a réitéré son soutien à l'opération française Barkhane, M. Macron a une nouvelle fois réclamé samedi de la clarté aux gouvernements sahéliens sur la présence militaire française dans la zone.
"Si cette clarté politique n'est pas établie, la France dans certains pays en tirera toutes les conséquences", a-t-il averti.
"Quand il parle de clarification, le président Macron vise IBK (Ibrahim Boubacar Keïta, le président malien) et Kaboré (Roch Marc Christian Kaboré, le président burkinabè)", avait récemment précisé une source sécuritaire à l'AFP.
Le 4 décembre, dans le sillage de la mort de 13 soldats français au Mali, Emmanuel Macron avait invité les chefs d'Etat sahéliens à ce sommet de Pau (où étaient stationnés la majorité des soldats). L'annonce avait été mal ressentie par beaucoup qui l'avaient perçue plutôt comme une "convocation" alors même qu'il existe dans la région un sentiment anti-français grandissant.
Le président Keïta a semblé faire allusion à cette tension samedi sur TV5, en indiquant que les pays unis dans la force militaire G5 Sahel souhaitaient "un partenariat respectable et respectueux".
Samedi, M. Macron s'était présenté comme le bâtisseur d'une nouvelle ère de relations avec l'Afrique francophone en sonnant le glas du franc CFA.
L'abandon du franc CFA et cette relation nouvelle pourraient, selon lui, changer l'image de la France: "Trop souvent aujourd'hui la France est perçue" comme ayant "un regard d'hégémonie et des oripeaux d'un colonialisme qui a été une erreur profonde, une faute de la République", a-t-il déclaré samedi.
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