"Je ne sais pas si je trouverai une maison pour ma famille ou ce qu'il nous arrivera une fois là-bas", ajoute ce père de 42 ans, tandis que s'élèvent des colonnes de fumée dans son quartier de Maaret al-Noomane, presque vidée de ses habitants.
Comme lui, des dizaines de milliers de civils, selon l'ONU, ont fui depuis le début de la semaine cette région de la province d'Idleb majoritairement sous contrôle des jihadistes, en raison de l'intensification des bombardements de Damas et de son allié russe.
Des milliers d'autres attendent une accalmie pour fuir le sud de cette province où se trouve actuellement la ligne de front, selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha).
"Je ne souhaite même pas cela à nos ennemis", déclare Abou Ismail.
Damas, qui contrôle désormais près de 70% du territoire syrien, a juré de reprendre Idleb au groupe Hayat Tahrir al-Cham (HTS), ex-branche syrienne d'Al-Qaïda.
Malgré un cessez-le-feu annoncé fin août par Moscou, les raids se sont intensifiés ces dernières semaines, et plus de 280 civils ont péri depuis cette date.
Cette semaine, le bilan s'est particulièrement alourdi, avec plus de 40 civils tués en quelques jours.
L'escalade laisse Maaret al-Noomane anéantie. Tiges de métal broyé, verre brisé et gravats jonchent les rues. Des vitrines ont explosé et des pans entiers de bâtiments se sont effondrés.
Plusieurs établissements de santé ont fermé, les boulangeries ont baissé leur rideau et la plupart des écoles n'ont pas ouvert depuis fin novembre, selon l'Ocha.
"Tout recommence"
La région d'Idleb abrite quelque trois millions de personnes, dont plus de la moitié sont des déplacés qui ont fui les combats ailleurs en Syrie, où la guerre déclenchée en 2011 a déjà fait plus de 370.000 morts et des millions de déplacés.
Abou Ossama, 29 ans, est arrivé il y a deux ans de la région de Homs (centre), aujourd'hui sous contrôle du régime.
Avec sa femme et ses quatre enfants, il a une fois de plus dû se résoudre à entasser ses possessions dans une camionnette.
"Tout recommence, c'est le même enchaînement", dit-il à l'AFP. "On se dirige vers l'inconnu, sans maison, sans abri et sans assistance", poursuit-il.
A son départ, toutefois, des Casques blancs --secouristes qui opèrent dans les zones hors du contrôle de Damas-- l'ont aidé à vider son appartement et lui ont affrété un véhicule.
"Nous partons sous les bombardements (...). Nous n'avons aucune idée du danger qui nous attend sur la route", ajoute Abou Ossama.
"Adieu"
Beaucoup de déplacés se rendent plus au nord, près de la frontière avec la Turquie, et arrivent dans des camps surpeuplés. D'autres trouvent refuge dans des écoles, dans des salles des fêtes ou encore dans des mosquées, selon l'Ocha.
Ces déplacements massifs ne pourraient pas tomber plus mal, avec l'hiver et les inondations qui submergent la région.
Faisant craindre le pire pour la situation humanitaire déjà précaire, la Russie et la Chine ont mis vendredi leur veto à un projet de résolution prolongeant d'un an l'aide humanitaire transfrontalière de l'ONU à quatre millions de Syriens, notamment à Idleb.
Un veto "honteux" pour les Etats-Unis, et décrié par les ONG. En provenance de Jordanie, d'Irak et de Turquie, l'aide est acheminée à travers des points de passage désignés par l'ONU sans l'autorisation officielle de Damas, mais le mandat conféré à l'ONU expirera le 10 janvier, sauf nouvel accord au Conseil de sécurité.
"Nous voulons seulement avoir de quoi manger et boire", se désole Hassan Abou Wael qui vit dans un camp du nord d'Idleb depuis qu'il a fui Maaret al-Noomane il y a deux mois.
"Si les aides ne peuvent plus être acheminées à cause de la Russie, alors que nous vivons déjà dans des camps inondés, nous pouvons dire adieu à ce monde", ajoute-t-il.
"Vous voulez qu'on meurt de faim?", demande Oum Abdo, 60 ans, sans vraiment attendre de réponse.
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