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"Harcèlement moral": le tribunal rend son jugement dans le procès inédit de France Télécom

C'est un jugement très attendu dans le monde de l'entreprise: le tribunal doit dire vendredi matin si France Télécom et ses ex-dirigeants se sont rendus coupables de "harcèlement moral" à la fin des années 2000, une période marquée par plusieurs suicides de salariés.

"Harcèlement moral": le tribunal rend son jugement dans le procès inédit de France Télécom
L'entrée du centre de construction des lignes de Troyes, le 10 septembre 2009 après le suicide de plusieurs salariés de l'entreprise - ALAIN JULIEN [AFP/Archives]

Au cœur du procès, qui s'est tenu du 6 mai au 11 juillet, un harcèlement moral institutionnel qui se serait propagé du sommet à l'ensemble de l'entreprise sans qu'il y ait de lien direct entre les auteurs et les victimes. C'est une première pour une entreprise du CAC 40.

Les prévenus, dont Didier Lombard, PDG de 2005 à 2010, ont-ils mis en place "une politique d'entreprise visant à déstabiliser les salariés et à créer un climat professionnel anxiogène"? C'est l'une des questions auxquelles doit répondre le tribunal.

Les syndicats de France Télécom espèrent "une condamnation maximale, pour que les dirigeants d'entreprises tentés par ces méthodes de management sachent désormais qu'ils ne peuvent agir en toute impunité". Ils attendent aussi "des dommages et intérêts conséquents" en réparation "des immenses préjudices" subis par les salariés et fonctionnaires de l'entreprise, devenue Orange en 2013. Plus de 150 personnes se sont constituées partie civile au procès.

L'affaire remonte à dix ans: France Télécom faisait la Une des médias en raison de suicides parmi ses salariés.

En juillet 2009, Michel Deparis, un technicien marseillais mettait fin à ses jours en critiquant dans une lettre le "management par la terreur". "Je me suicide à cause de France Télécom. C'est la seule cause", écrivait-il. Deux mois plus tard, une première plainte était déposée par le syndicat Sud, suivie d'autres, et d'un rapport accablant de l'inspection du travail.

- "Peines légères" -

Le tribunal a examiné en détail les cas de trente-neuf salariés: dix-neuf se sont suicidés, douze ont tenté de le faire, et huit ont subi un épisode de dépression ou un arrêt de travail.

A la barre, les témoignages se sont succédé, donnant une idée précise du travail qui fait sombrer des employés dans la dépression. Il a été question de mutations fonctionnelles ou géographiques forcées, de baisses de rémunération, de mails répétés incitant au départ etc. L'avocat de la partie civile Jean-Paul Teissonnière a parlé d'un "immense accident du travail organisé par l'employeur".

Au centre du procès, la période 2007-2010, et les plans NExT et Act qui visaient à transformer France Télécom en trois ans, avec notamment l'objectif de 22.000 départs et 10.000 mobilités. L'entreprise comptait plus de 100.000 salariés, une centaine de métiers différents, répartis sur près de 23.000 sites.

Pour les prévenus, il devait s'agir de départs "volontaires", "naturels", mais au contraire, pour les parties civiles, les ex-dirigeants ont mis la pression sur les salariés pour les pousser à partir. La plupart d'entre eux étaient fonctionnaires et ne pouvaient donc pas être licenciés. En 2006, Didier Lombard disait aux cadres que les départs devaient se faire "par la fenêtre ou par la porte".

Mais y-a-t-il dans le dossier de quoi démontrer un harcèlement moral? Ce délit est défini dans le code pénal comme "des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail".

"Vous avez conscience que vos méthodes vont dégrader les conditions de travail" et "vous recherchez cette déstabilisation", avait déclaré la procureure lors des réquisitions. Le parquet a demandé les peines maximales encourues: 75.000 euros d'amende pour l'entreprise; un an d'emprisonnement et 15.000 euros d'amende pour Didier Lombard, l'ex-numéro 2 Louis-Pierre Wenès et l'ex-DRH Olivier Barberot.

Pour quatre autres responsables, jugés pour "complicité de harcèlement moral", le parquet a requis huit mois d'emprisonnement et 10.000 euros d'amende.

Les avocats de la défense ont eux demandé la relaxe. L'entreprise a annoncé qu'elle ne ferait pas appel en cas de condamnation. A la fin du procès, Orange a annoncé une procédure d'indemnisation d'éventuelles victimes.

"Les peines encourues sont légères par rapport aux actes", a regretté auprès de l'AFP Patrick Ackermann du syndicat SUD. "On espère de la prison ferme, même si ça sera symbolique compte tenu des aménagements de peines".

Le jugement doit tomber à 10H00.

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