A l'issue d'une courte réunion, le président du conseil de surveillance de Rusada, Alexandre Ivlev, a indiqué que celui-ci avait "pris la décision de ne pas approuver la décision de l'AMA" du 9 décembre, qui interdit à la Russie de participer pour quatre ans aux principaux évènements internationaux, notamment les Jeux olympiques 2020 et 2022 et la Coupe du monde de foot 2022.
Formellement, cette "recommandation" doit être présentée à l'assemblée générale de l'agence antidopage russe d'ici la fin du mois, puis notifiée à l'Agence mondiale antidopage (AMA) pour que cette dernière saisisse le Tribunal arbitral du sport (TAS).
"Nous pensons que notre argumentaire est assez fort mais je ne vais pas donner de pronostic" sur les chances de la Russie devant le TAS, a ajouté Alexandre Ivlev. Selon l'agence publique TASS, cinq des sept membres du conseil de surveillance, dont l'ex-reine de la perche Elena Isinbayeva, ont exprimé leur désaccord avec la décision de l'AMA.
La mise au ban de la Russie prévoit notamment que seuls des sportifs russes triés sur le volet pourront participer aux compétitions, mais sous drapeau neutre et sans que l'hymne national ne soit joué.
Le Comité olympique russe et le ministère des Sports ont milité pour que Rusada conteste cette exclusion, qualifiée par les autorités à Moscou d'"anti-russe".
Jeudi, le président Vladimir Poutine a répété, au cours de sa conférence de presse annuelle, qu'il jugeait la décision de l'AMA "politiquement motivée", estimant que "n'importe quelle punition doit être individuelle" et non collective.
"Notre pays n'a pas à participer sous drapeau neutre si aucun reproche concret n'est fait à notre Comité olympique actuel. C'est écrit dans la charte olympique", a-t-il plaidé.
Appel "inefficace et inutile"
Si les sanctions sont aussi lourdes, c'est que l'AMA a estimé que la Russie avait "manipulé" les données du laboratoire antidopage de Moscou lui ayant été transmises en début d'année, un énième rebondissement dans un scandale qui a démarré avec la révélation en 2015 d'un dopage institutionnel pratiqué depuis 2011 et impliquant hauts fonctionnaires, agents secrets et fioles d'urine trafiquées.
A contre-courant du gouvernement et de son conseil de surveillance, le directeur-général de Rusada Iouri Ganous a jugé les autorités russes coupables dans ce scandale, réclamant à Poutine un grand coup de balai pour qu'une lutte sans merci contre les tricheurs soit engagée.
Il s'était opposé à ce que son organisation fasse appel des sanctions de l'AMA mais si l'assemblée générale de Rusada suit la recommandation du conseil de surveillance, Iouri Ganous n'aura d'autre choix que d'envoyer à l'AMA la lettre demandant de faire appel, a détaillé jeudi M. Ivlev.
Selon Iouri Ganous, Moscou doit reconnaître ses fautes pour pouvoir se réformer. D'autre part, il juge que tout recours devant le TAS est voué à l'échec au regard de l'ampleur des falsifications.
Politique de prestige
En Russie, le sport reste éminemment politique, tant M. Poutine s'est appuyé sur les grandes compétitions pour bâtir le prestige de son pays, organisant les Jeux olympiques d'hiver à Sotchi (2014) ou les Mondiaux d'athlétisme (2013), de natation (2015) et de hockey sur glace (2016).
La Coupe du monde de football (2018) a, elle, attiré plus de trois millions de touristes et 17 chefs d'Etat étrangers avaient assisté à la cérémonie d'ouverture.
Si l'interminable saga du dopage a porté un coup à l'image dans le monde du géant russe, dans le pays, l'idée d'un complot occidental pour humilier et éliminer un concurrent géopolitique et sportif reste très en vogue, tant elle est mise en avant par les autorités.
Pour les sportifs, la mise au ban de la Russie est vécue comme une nouvelle catastrophe, leur pays ayant déjà été exclu de diverses compétitions depuis 2015. Nombreux sont ceux critiquant une fermeté excessive de l'AMA.
D'autres ont à l'inverse rendu le pouvoir russe responsable, à l'instar de la triple championne du monde de saut en hauteur Maria Lasitskene.
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