Dans la journée, de nombreuses manifestations, parfois émaillées de heurts, étaient signalées en divers endroits du deuxième pays le plus peuplé de la planète, de la capitale New Delhi aux États reculés du Nord-Est. Pour contrer cette mobilisation qui dure depuis la semaine dernière, les autorités indiennes avaient préventivement prohibé tout attroupement d'au moins quatre personnes dans de nombreuses grandes villes et régions.
Ce mouvement de protestation, principalement mené par des membres de la communauté musulmane, qui constitue 14% du 1,3 milliard d'Indiens, est l'un des plus importants auxquels doivent faire face les nationalistes hindous du Premier ministre Narendra Modi depuis leur arrivée au pouvoir en 2014.
À New Delhi, des manifestants se sont présentés aux points de ralliement prévus de cortèges interdits par les autorités. La police a embarqué une partie d'entre eux dans des bus. Certains des protestataires tenaient une rose rouge à la main.
"Lorsque nous serons arrêtés, nous comptons donner (ces roses) à la police car ce n'est pas un combat contre la police. C'est un combat contre ce gouvernement, un gouvernement presque fasciste", a expliqué à l'AFP Shantanu, un étudiant venu manifester.
Les autorités ont ordonné aux opérateurs de suspendre leurs services de téléphonie mobile en plusieurs endroits de Delhi jeudi matin, une décision exceptionnelle pour la capitale. Les réseaux mobiles semblaient rétablis dans l'après-midi, tandis qu'une vingtaine de stations de métro de la mégapole restaient fermées.
De nouvelles violences ont éclaté en Uttar Pradesh (nord), région la plus peuplée d'Inde avec 200 millions d'habitants et une importante communauté musulmane, malgré l'interdiction de rassemblements à travers tout l'État en vertu d'un article de loi hérité de la colonisation britannique.
Des heurts ont notamment opposé policiers et manifestants à Lucknow, la capitale régionale, et dans le district de Sambhal, situé à 300 kilomètres de là. Dans ce second lieu, des centaines de manifestants ont brûlé des véhicules et lancé des pierres sur les forces de sécurité, qui ont tiré des gaz lacrymogènes, a indiqué à l'AFP le chef de la police locale Yamuna Prasad.
"Nous essayons de contrôler la situation. Nous avons demandé aux gens de rentrer chez eux", a déclaré ce responsable policier.
'Impitoyable répression'
L'un des plus gros rassemblements signalés pour le moment à travers l'Inde s'est tenu dans la ville de Malegaon au Maharashtra (ouest), État non concerné par l'interdiction, où jusqu'à 60.000 personnes se sont attroupées pacifiquement, a annoncé à l'AFP la police locale.
Dans le Nord-Est, où le mouvement de contestation a débuté la semaine dernière et entraîné la mort de six personnes, plus de 20.000 personnes se sont assemblées en différents lieux de l'État d'Assam, a rapporté un correspondant de l'AFP sur place.
Les manifestants dénoncent une nouvelle loi qui facilite l'attribution de la citoyenneté indienne aux réfugiés d'Afghanistan, du Pakistan et du Bangladesh à la condition qu'ils ne soient pas musulmans. Ils la jugent discriminatoire et contraire à la Constitution indienne.
Au Bihar (nord), où l'interdiction de manifester était en place dans plusieurs districts, des milliers de sympathisants de partis d'opposition manifestaient en divers endroit de l'État, bloquant des autoroutes et des voies de chemins de fer, selon un correspondant de l'AFP.
L'internet restait suspendu dans plusieurs villes à majorité musulmane d'Uttar Pradesh, ainsi que dans plusieurs États du nord-est. Les coupures d'accès à internet sont une technique fréquemment utilisée par les forces de l'ordre indiennes en cas de manifestations ou troubles.
Dans la capitale économique Bombay, des célébrités de Bollywood étaient attendues dans l'après-midi à une manifestation organisée principalement par des jeunes. "L'heure de protester sur les seuls réseaux sociaux est passée", a tweeté l'acteur et réalisateur Farhan Akhtar.
La nouvelle législation ne concerne pas directement les Indiens de confession musulmane mais a cristallisé les peurs et colères de la minorité après cinq ans de gouvernement des nationalistes hindous.
Amnesty International a appelé les autorités indiennes à "cesser la répression des manifestants pacifiques qui protestent contre (une loi) discriminatoire". L'organisation de défense des droits humains a qualifié d'"impitoyable" l'action des forces de sécurité, accusées par les manifestants de nombreuses violences policières ces derniers jours.
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