Main droite sur le Coran, M. Tebboune prononcera la longue formule prévue par la Constitution, jurant notamment de "respecter et de glorifier la religion islamique, de défendre la Constitution, de veiller à la continuité de l'Etat", mais aussi "d'agir en vue de la consolidation du processus démocratique, de respecter le libre choix du Peuple".
Ce serment une fois prononcé, devant les représentants des institutions et les plus hauts dignitaires de l'Etat, marquera son entrée officielle en fonction. M. Tebboune succédera ainsi à Abdelaziz Bouteflika, contraint à la démission en avril, après 20 ans à la tête de l'Etat, par un mouvement ("Hirak") de contestation populaire massif du régime.
Abdelkader Bensalah, président de la Chambre haute depuis 2002, a assuré l'intérim depuis, conformément à la Constitution, mais bien au-delà du délai de trois mois prévu par le texte.
Agé de 74 ans, M. Tebboune est un ancien fidèle de M. Bouteflika, dont il fut ministre, puis brièvement Premier ministre, avant d'être limogé au bout de trois mois et d'entrer en disgrâce. Mais pour le "Hirak", ce fonctionnaire de carrière et authentique apparatchik, reste un représentant du "système" qui dirige le pays depuis son indépendance en 1962 et dont il veut se débarrasser.
"Nouvelle République"
Les 58,13% des suffrages recueillis dès le 1er tour cachent mal le fait que M. Tebboune n'a été élu que par 20% des inscrits: catégoriquement rejetée par le Hirak l'élection a enregistré la plus faible participation (39,88%) de toutes les présidentielles pluralistes de l'histoire du pays.
Des chiffres en outre jugés truqués par le "Hirak" et douteux par de nombreux analystes.
Il va devoir gérer une contestation inédite et toujours extrêmement massive au bout de dix mois, qui n'exige rien d'autre que le démantèlement total du "système" et le départ de tous ses représentants, des revendications catégoriquement rejetées par le haut commandement militaire, pilier du régime qui assumait ouvertement la réalité du pouvoir depuis le départ de M. Bouteflika.
Dès l'annonce de sa victoire, M. Tebboune a dit "tendre la main au Hirak", l'invitant à un "dialogue" pour une "Algérie nouvelle" et promettant notamment une révision "profonde" de la Constitution pour donner naissance à une "nouvelle République".
Le "Hirak" lui a en masse opposé une fin de non recevoir dans la rue quelques heures plus tard, affirmant considérer M. Tebboune "illégitime" et refuser que le "système" se charge de se réformer lui-même.
M. Tebboune a également promis à la jeunesse - épine dorsale du Hirak, dans un pays où les moins de 30 ans représentent plus de 53% de la population - un nouveau gouvernement comptant "dans ses rangs des ministres jeunes ne dépassant pas les 26 et 27 ans".
contestation déterminée
S'il respecte la tradition, le nouveau président devrait annoncer dans la foulée de son serment le nom du Premier ministre chargé de lui proposer un gouvernement. Le choix va être délicat et le passé et la personnalité de celui-ci sera scrutée à la loupe par le "Hirak".
En mars, le choix par M. Bouteflika de son fidèle ministe de l'Intérieur Noureddine Bedoui pour remplacer l'impopulaire Ahmed Ouyahia, limogé pour tenter de calmer la contestation, n'avait fait que renforcer la détermination des manifestants.
M. Bedoui, qui avait lui aussi promis un gouvernement renouvelé et rajeuni, avait peiné 20 jours - un record en Algérie - pour constituer, en piochant largement au sein des cadres de ministères, une équipe finalement assez éloignée des engagements affichés.
Quoiqu'il en soit, il est peu probable que quelques gestes symboliques suffisent à calmer une contestation extrêmement déterminée.
La situation est pourtant urgente: l'incertitude politique et les enquêtes judiciaires ayant envoyé sous les verrous d'importants hommes d'affaires, accusés d'avoir profité illégalement de leurs liens avec l'entourage de M. Bouteflika, ont aggravé une situation économique déjà difficile.
Incapable de diversifier son économie, l'Algérie souffre depuis plusieurs années des faibles cours des hydrocarbures, dont les recettes assurent l'essentiel de ses entrées de devises et une part très importante de son budget. Ce qui pourrait conduire M. Tebboune à devoir prendre des décisions impopulaires.
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