"Demain, la Chambre des représentants exercera l'un des pouvoirs les plus solennels que lui garantisse la Constitution, quand nous nous réunirons pour approuver deux articles de mise en accusation du président", a déclaré mardi soir la chef des démocrates au Congrès, Nancy Pelosi, dans un lettre aux élus de son parti.
Moins de trois mois après l'explosion du scandale ukrainien, la Chambre des représentants s'apprête ainsi à mettre Donald Trump en accusation pour "abus de pouvoir" et "entrave au travail du Congrès".
Une commission a débattu mardi, dans un climat houleux, des derniers réglages techniques, ouvrant la voie à cette séance parlementaire historique.
A l'approche de cette échéance, Donald Trump a adressé un courrier au vitriol Nancy Pelosi, accusée de "miner la démocratie". "L'histoire vous jugera sévèrement", lui prédit-il, en dénonçant des charges "fourbes", "sans valeurs" ou encore "absurdes".
Pour lui, le vote à la Chambre n'est "rien de plus qu'une tentative de coup d'Etat illégale et partisane", motivé par le ressentiment. "Vous êtes incapable d'accepter le verdict des urnes" en 2016, écrit-il encore à Mme Pelosi.
Tout en se présentant comme la victime d'une "croisade vicieuse", Donald Trump se dit certain de sortir conforté de cet épisode: "Je n'ai aucun doute sur le fait que le peuple américain vous tiendra responsable, avec les démocrates, lors de l'élection de 2020."
La procédure de destitution divise profondément les Américains: 45% souhaitent qu'elle aboutisse à sa révocation - 77% chez les électeurs démocrates - et 47% s'y opposent, d'après un sondage CNN-SSR.
La classe politique reflète parfaitement cette fracture et le vote à la Chambre devrait suivre parfaitement les affiliations partisanes.
"Pas impartial"
Une poignée de démocrates élus dans des circonscriptions favorables au président ont fait savoir mardi qu'ils ne sortiraient pas du rang, même si cela devait leur coûter des voix lors des prochains scrutins.
En définitive, seuls deux des 231 élus démocrates pourraient faire défection et aucun des 197 représentants républicains n'a annoncé à ce jour son soutien à la mise en accusation du président.
Donald Trump est donc quasiment certain d'être renvoyé en procès, ce qui n'est arrivé qu'à deux de ses prédécesseurs: Andrew Johnson en 1868 et Bill Clinton en 1998. Le républicain Richard Nixon, empêtré dans le scandale du Watergate, avait lui préféré démissionner en 1974 avant de subir cet opprobre.
Le milliardaire républicain sera ensuite jugé au Sénat, sans doute dès janvier. Son acquittement fait peu de doute: il faudrait au moins 67 voix pour le destituer et les républicains disposent de 53 sièges sur 100.
Leur leader Mitch McConnell ne fait pas mystère de ses intentions. "Les démocrates de la Chambre ont bâclé leur enquête", a-t-il déclaré depuis l'hémicycle. "C'est un procès politique, il n'y a rien de juridique et je ne serai pas impartial !"
D'un revers, il a balayé la demande démocrate de convoquer de nouveaux témoins. "Ce n'est pas le travail du Sénat de s'engouffrer dans la brèche et de chercher désespérément les moyens de le déclarer coupable", a-t-il jugé.
"De quoi MM. McConnell et Trump ont-ils peur ? De la vérité ?", a réagi Chuck Schumer, le chef des sénateurs démocrates, en répétant son souhait d'entendre quatre conseillers ou anciens conseillers de la Maison Blanche.
"Tricher"
Les démocrates ont ouvert l'explosive procédure en destitution en septembre après avoir appris que Donald Trump avait demandé à son homologue ukrainien, lors d'un échange estival, d'enquêter sur Joe Biden, son rival potentiel à la présidentielle de 2020.
Or, une aide militaire cruciale pour ce pays en conflit armé avec la Russie avait été gelée quelques jours plus tôt sans explication.
Forts de leur majorité à la Chambre, les démocrates ont convoqué plusieurs témoins qui, lors d'auditions spectaculaires, ont confirmé l'existence de pressions pour forcer Kiev à annoncer l'ouverture de l'enquête requise.
Mais Donald Trump martèle que son appel avec Volodymyr Zelensky était "parfait". Dénonçant une enquête "inconstitutionnelle", la Maison Blanche a refusé de coopérer et interdit à plusieurs de ses conseillers de témoigner.
Des manifestations favorables à l'"impeachment" avaient lieu mardi soir dans plusieurs villes américaines, comme à New York, où plusieurs centaines de personnes étaient réunies à Times Square, chantant "nul n'est au-dessus de la loi".
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