La condamnation de ce personnage central de l'histoire récente du Pakistan a trait "à la décision qu'il a prise le 3 novembre 2007", soit l'instauration de l'état d'urgence dans le pays, a déclaré à l'AFP son avocat, Akhtar Shah. L'ex-président "n'a rien fait de mal", a-t-il souligné.
Pervez Musharraf, qui "s'est battu dans des guerres pour la défense du pays", "ne peut assurément jamais être un traître", a critiqué l'armée dans un communiqué.
"La procédure juridique régulière semble avoir été ignorée", a-t-elle poursuivi, pointant notamment "le déni du droit fondamental à la défense" du général et une affaire conduite selon elle "dans la précipitation".
Le procureur général Anwar Mansoor Khan, nommé par le gouvernement pakistanais du Premier ministre Imran Khan, dont l'armée a selon l'opposition favorisé l'accession au pouvoir lors des législatives de 2018, a de son côté estimé que le jugement, prononcé par un tribunal spécial, a été rendu "contre la Constitution".
"Chaque personne a droit à un procès juste", a-t-il estimé lors d'une conférence de presse.
Pervez Musharraf avait invoqué la défense de l'unité nationale face au terrorisme islamiste et l'opposition de la Cour suprême, qui devait se prononcer sur la légalité de sa réélection un mois plus tôt, pour suspendre la Constitution.
Cette mesure très impopulaire, levée en décembre 2007, avait fini par causer sa chute moins d'un an plus tard.
"Il avait l'immunité. (...) Il était le président du Pakistan et le commandant suprême des forces armées", a observé mardi son avocat Akhtar Shah.
Début décembre, une vidéo avait circulé montrant Pervez Musharraf dans un lit d'hôpital, où il racontait s'être "évanoui". "Cette affaire est sans fondement", avait-il lancé d'une voix faible.
Talat Masood, un général en retraite et analyste sécuritaire, a qualifié le verdict d'"extraordinaire" dans un Pakistan gouverné par l'armée près de la moitié de ses 72 ans d'existence. Cette décision aura "un grand impact sur l'évolution démocratique du Pakistan".
L'ONG Amnesty international a qualifié d'"encourageant" le fait que le Pakistan "en finisse avec une histoire d'impunité pour les puissants généraux", tout en rappelant son opposition à la peine capitale.
Mainmise "dictatoriale"
Aujourd'hui âgé de 76 ans, M. Musharraf était parvenu au pouvoir par un coup d'Etat sans effusion de sang en octobre 1999, puis s'était autoproclamé président en juin 2001, avant de remporter en avril 2002 un référendum controversé.
Sous le règne de ce stratège connu pour son franc-parler, admirateur de Napoléon Bonaparte et amateur de cigares, le Pakistan avait vu sa croissance économique décoller, sa classe moyenne se développer, les médias se libéraliser et l'armée jouer la carte de l'apaisement face à l'Inde rivale.
Mais ses opposants ont dénoncé sa mainmise "dictatoriale" sur le pouvoir, le renvoi "illégal" de juges de la Cour suprême qui s'opposaient à lui ou l'assaut sanglant contre des islamistes lourdement armés réfugiés dans la mosquée Rouge d'Islamabad à l'été 2007.
En août 2008, très impopulaire et face à la pression croissante de l'opposition et de la justice, ce nationaliste avait démissionné, pour ensuite amorcer un luxueux exil volontaire entre Londres et Dubaï.
Rentré en mars 2013 au Pakistan afin de participer aux élections, ses ambitions politiques avaient été brisées par de multiples poursuites judiciaires.
Il avait à nouveau quitté le pays en mars 2016 pour des soins médicaux à Dubaï en promettant de revenir ensuite affronter ses juges.
En août 2017, la justice pakistanaise l'a déclaré "fugitif" dans le procès du meurtre de Benazir Bhutto, sa rivale politique, pour lequel il demeure le seul suspect.
Mme Bhutto, deux fois élue Premier ministre du Pakistan, et première femme de l'ère contemporaine à avoir dirigé un pays musulman, avait été assassinée dans un attentat-suicide à Rawalpindi le 27 décembre 2007.
"La démocratie est la meilleure revanche", a tweeté mardi son fils Bilawal Bhutto Zardari, qui dirige le Parti du peuple pakistanais (PPP - opposition) en réaction au jugement.
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