La science est claire: pour éviter la catastrophe climatique, il faut prendre des mesures urgentes et radicales de transformation de l'économie pour enfin commencer à réduire les émissions de gaz à effet de serre et avoir une chance d'atteindre les objectifs de l'Accord de Paris de limiter le réchauffement de la planète à +2°C, voire +1,5°C, par rapport à l'ère pré-industrielle.
Pourtant, alors que cette réunion de l'ONU devait s'achever vendredi soir, les négociations se prolongeaient samedi sans qu'aucun accord ne soit encore en vue.
"Mécontent", "mal à l'aise", "ligne rouge": pour des raisons souvent diamétralement opposées, les nouveaux projets de textes mis sur la table par la présidence chilienne n'ont trouvé grâce auprès d'aucune des parties, ni parmi les Etats ni parmi les observateurs, et encore moins parmi les partisans d'une action immédiate contre les dérèglements climatiques qui multiplient déjà tempêtes, canicules et inondations.
"Il est impossible de quitter cette COP sans un message fort sur l'ambition (...) c'est une chose que les gens à l'extérieur attendent de nous et nous devons entendre leur appel", a déclaré la ministre finlandaise de l'Environnement Krista Mikkonen, au nom de l'Union européenne qui vient de s'accorder pour viser la neutralité carbone d'ici 2050.
"C'était la COP de l'ambition, nous ne voyons pas cette ambition", a renchéri Carlos Fuller, négociateur en chef pour le groupe des 44 Etats insulaires, particulièrement vulnérables à la montée du niveau de la mer.
"Toutes les références à la science ont été affaiblies, toutes les références au relèvement (des engagements des Etats à réduire leurs émissions) a disparu. Il semble que nous préférions rester tournés vers le passé", a-t-il dénoncé.
Si rien ne change d'ici la fin de cette réunion qui s'éternise, les millions de jeunes descendus dans les rues à l'instar de l'adolescente suédoise Greta Thunberg, venue cette semaine à Madrid pour dénoncer une nouvelle fois l'inaction des Etats, n'auront pas été entendus.
Planète "en otage"
Au rythme actuel, le mercure pourrait gagner jusqu'à 4 ou 5°C d'ici la fin du siècle. Et même si les quelque 200 signataires de l'Accord de Paris respectent leurs engagements, le réchauffement pourrait dépasser les 3°C.
Alors pour tenter de réduire cet écart mis en avant par la science, tous les Etats doivent soumettre d'ici la COP26 à Glasgow une version révisée de leurs engagements. A ce stade, quelque 80 pays se sont engagés à présenter un réhaussement de cette ambition mais ils ne représentent qu'environ 10% des émissions mondiales.
Et quasiment aucun des plus grands émetteurs, Chine, Inde ou Etats-Unis, ne semble vouloir rejoindre ce groupe. Seule l'UE a "endossé" cette semaine à Bruxelles l'objectif de neutralité climatique d'ici 2050. Mais sans la Pologne, très dépendante du charbon. Et les Européens ne se prononceront pas avant l'été sur le relèvement de leurs engagements pour 2030.
"La présidence chilienne a une tâche: protéger l'intégrité de l'accord de Paris et ne pas permettre qu'il soit déchiqueté par le cynisme et la cupidité", a dénoncé la patronne de Greenpeace Jennifer Morgan.
Or "une poignée de pays bruyants a détourné le processus et pris le reste de la planète en otage", a estimé Jamie Henn, de l'ONG 350.org.
Dans le collimateur des défenseurs du climat, outre les Etats-Unis qui sortiront de l'Accord de Paris en novembre 2020, la Chine et l'Inde, qui insistent, avant d'évoquer leurs propres engagements révisés, sur la responsabilité des pays développés à faire plus et à respecter leur promesse d'aides financières aux pays en développement.
Mais aussi l'Australie et le Brésil, tous deux accusés de vouloir introduire dans les discussions sur les marchés carbone des dispositions qui selon les experts saperaient l'objectif même de l'Accord de Paris.
Le Brésil avait déjà bloqué à la COP24 l'adoption des nouvelles règles des marchés carbone, dernier reliquat du manuel d'utilisation de l'accord de Paris. Samedi, le représentant du pays qui rejette toute prétention internationale à protéger l'Amazonie, a insisté sur une nouvelle demande: ne pas faire référence au récent rapport des experts climat de l'ONU (Giec) sur les terres, qui mettait en cause la surexploitation et l'appauvrissement des sols, notamment en raison des pratiques agricoles.
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