Après la Chambre des représentants à une écrasante majorité fin octobre, le Sénat a adopté à l'unanimité une résolution pour "commémorer le génocide arménien en le reconnaissant officiellement".
Il appelle aussi à "rejeter les tentatives (...) d'associer le gouvernement américain à la négation du génocide arménien", dans ce texte promu par des sénateurs des deux bords politiques mais qui avait été bloqué à plusieurs reprises par des alliés républicains de Donald Trump.
"Je suis heureux que cette résolution ait été adoptée à une époque où il y a encore des survivants du génocide", a déclaré dans l'hémicycle l'un de ses auteurs, le sénateur démocrate Bob Menendez, avant d'être saisi par l'émotion et de s'efforcer de contenir ses larmes.
Comme en octobre, le Premier ministre arménien Nikol Pachinian a salué "une victoire pour la justice et la vérité". "Au nom des Arméniens, j'exprime ma gratitude au Congrès américain", a-t-il tweeté.
Et comme en octobre, la Turquie a dénoncé sans tarder un vote qui "met en péril l'avenir des relations" turco-américaines.
Appel à Trump
Bien que ces résolutions ne soient pas contraignantes, des parlementaires exhortent le locataire de la Maison Blanche à leur emboîter le pas.
"Le Congrès est désormais uni pour dire la vérité au sujet du génocide. Il est temps que le président en fasse autant", a lancé sur Twitter l'élu démocrate Adam Schiff.
Au début de son mandat, Donald Trump avait qualifié le massacre des Arméniens en 1915 d'"une des pires atrocités de masse du XXe siècle", se gardant d'employer le terme de "génocide".
Le génocide arménien est reconnu par une trentaine de pays et la communauté des historiens. Selon les estimations, entre 1,2 million et 1,5 million d'Arméniens ont été tués pendant la Première Guerre mondiale par les troupes de l'Empire ottoman, alors allié à Allemagne et à l'Autriche-Hongrie.
Mais Ankara refuse l'utilisation du terme "génocide", évoquant des massacres réciproques sur fond de guerre civile et de famine ayant fait des centaines de milliers de morts dans les deux camps.
Or, les relations entre les Etats-Unis et la Turquie, alliés au sein de l'Otan, traversent une période de fortes turbulences, et sont à la croisée des chemins.
A Washington, l'immense majorité de la classe politique ne décolère pas face à ce qu'elle considère être des outrances du président turc Recep Tayyip Erdogan. Surtout depuis que l'armée turque a acheté des systèmes russes de défense antiaérienne jugés incompatibles avec son adhésion à l'Alliance atlantique, puis qu'elle a lancé en octobre une offensive en Syrie contre les forces kurdes alliées des Occidentaux dans la guerre antijihadistes.
Sanctions anti-Turquie en vue
Nouveau signe d'une rupture inédite, la commission des Affaires étrangères du Sénat américain a adopté mercredi une proposition de loi soutenue par les démocrates comme par les républicains qui prévoit des sanctions draconiennes contre la Turquie et ses dirigeants.
S'il passe les prochaines étapes, ce texte, encore plus que celui sur le génocide arménien, risque de placer Donald Trump en porte-à-faux.
Le 45e président des Etats-Unis, en effet, met lui volontiers l'accent sur son "amitié" avec son homologue turc, qu'il a reçu en grande pompe il y a un mois dans le Bureau ovale.
L'ex-homme d'affaires new-yorkais a même été accusé, jusque dans son propre camp, d'avoir "abandonné" ses alliés kurdes en laissant le champ libre à l'attaque turque en Syrie.
Son ex-émissaire pour la lutte contre le groupe jihadiste Etat islamique, Brett McGurk, a relevé jeudi sur Twitter qu'un mois après la rencontre controversée à la Maison Blanche, Recep Tayyip Erdogan s'était encore davantage éloigné des Occidentaux pour se rapprocher de la Russie.
"Voilà les conséquences quand Trump fait plaisir à Erdogan sans demander absolument rien en échange", a dit celui qui est devenu un féroce détracteur de la politique étrangère du président américain. "La relation de Trump avec Erdogan a sapé tout effort sérieux pour pousser la Turquie à être plus constructive."
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