Pour son premier sommet, le nouveau président du Conseil européen, Charles Michel, va devoir convaincre la Pologne, la République tchèque et la Hongrie, pays encore très dépendants des énergies fossiles, et notamment du charbon.
Les Européens sont appelés à endosser cet objectif de neutralité climatique au moment où la COP25 de Madrid touche à sa fin.
Mais l'entreprise s'annonce longue et difficile. "Nous ne pouvons pas donner notre accord à un modèle de transformation économique dont pâtirait la société polonaise", a d'emblée averti le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki.
"Le coût de la transformation énergétique en Pologne est de loin plus élevé" que dans d'autres pays, a-t-il souligné, estimant que "le délai pour atteindre la neutralité carbone doit varier en fonction du niveau de développement économique des pays".
Côté tchèque, le Premier ministre Andrej Babis a chiffré à "probablement plus de 30 à 40 milliards" d'euros le coût de cette transition. "C'est pourquoi nous devons discuter et pas juste promettre quelque chose sans analyse", a-t-il dit.
"Pas possible"
Pour aider les régions et secteurs les plus "vulnérables" dans la transition vers une neutralité carbone, la Commission a prévu un "mécanisme de transition juste" qui pourra mobiliser 100 milliards d'euros d'investissements.
Prague voudrait que le nucléaire, qui n'émet pas de CO2, soit explicitement mentionné dans les conclusions du sommet. Une telle reconnaissance pourrait avoir des conséquences financières, en ouvrant droit à des aides à la transition.
"Sans le nucléaire, ce n'est pas possible pour la République tchèque", a averti M. Babis qui s'en est pris au passage à l'Autriche, pays opposé au nucléaire tout comme le Luxembourg et l'Allemagne.
"Ce matin, à 7H45, les Autrichiens ont consommé 23% d'électricité tchèque, la Slovaquie 30%. Si nous n'avions pas fourni de l'énergie à l'Autriche, un quart des habitants ne pourraient même pas se faire un café", a-t-il tweeté avant le sommet.
La perspective de reconnaître le nucléaire fait s'étrangler le Premier ministre luxembourgeois Xavier Bettel.
"Chaque pays est libre de choisir son mix énergétique, mais que ce soit financé avec de l'argent du contribuable européen, non, je ne suis pas pour", a-t-il averti.
Le Premier ministre hongrois Viktor Orban a aussi réclamé "une garantie financière claire", ajoutant que "sans énergie nucléaire, il n'y a pas d'économie européenne neutre" en carbone.
Une position soutenue par le président français Emmanuel Macron, qui a assuré que le nucléaire "peut faire partie" du bouquet énergétique des pays européens sur la route de la neutralité carbone.
"Chacun doit pouvoir bâtir sa transition à sa main", a dit le chef de l'Etat français, alors que plus de 70% de l'électricité produite dans l'Hexagone est d'origine nucléaire. "Le GIEC l'a reconnu: le nucléaire fait partie de la transition".
Le projet de conclusions du sommet, vu par l'AFP, dans lequel l'UE inscrit cet objectif de 2050, reste ouvert sur les moyens pour y arriver. Il appelle au "respect du droit des Etats membres à décider de leur bouquet énergétique et à choisir les technologies les plus appropriées".
"Grande bagarre"
Avant même le début du sommet, Greenpeace avait sonné l'alarme sur le réchauffement avec une action spectaculaire.
Une trentaine de militants de l'ONG, trompant la sécurité du siège du Conseil de l'UE, ont escaladé le bâtiment et déployé une banderole sur "l'urgence climatique" et allumé des fumigènes. Avant d'être délogés par la police, qui a procédé à plusieurs dizaines d'interpellations.
L'ambition climatique de la nouvelle Commission est cependant liée à un autre sujet à l'ordre du jour : le budget pour la période 2021-2027, qui promet des débats acharnés.
Charles Michel devra rapprocher les points de vue entre les pays, insatisfaits de la proposition mise sur la table par la présidence finlandaise de l'UE, d'un budget abondé par des contributions nationales de 1.087 milliards d'euros, soit 1,07% du revenu national brut européen. Contre 1,114% proposé par la Commission et 1,3% par le Parlement.
Les dirigeants de l'UE ont aussi la tête tournée vers le Royaume-Uni où les Britanniques étaient appelés à voter jeudi.
Le résultat des législatives sera décisif pour l'avenir de l'accord négocié entre Londres et l'UE, qui prévoit un divorce au 31 janvier.
L'après-Brexit sera évoqué vendredi, au lendemain du scrutin britannique et en l'absence de Boris Johnson, qui abordera la négociation de la future relation commerciale de Londres avec les 27.
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