Fin des régimes spéciaux, "âge d'équilibre" à 64 ans, entrée dans le système à partir de la génération née en 1975... Edouard Philippe a détaillé mercredi le contenu du futur "système universel de retraite" par points, assurant que "tout le monde serait gagnant" avec cette réforme.
Mais sitôt le plan dévoilé, la fronde syndicale s'est élargie. La "ligne rouge est franchie", a tonné le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger, premier soutien d'un système universel par points mais hostile à un allongement de la durée de cotisation via la mise en place d'un "âge d'équilibre".
"Ma porte est ouverte, ma main est tendue", lui a répondu Edouard Philippe.
Pas de quoi convaincre le premier syndicat français, qui a appelé ses adhérents à descendre dans la rue le 17 décembre - mais pas avec l'intersyndicale CGT-FO-Solidaires-FSU -, lors de la prochaine grande mobilisation.
En soirée, Laurent Berger a demandé au gouvernement de "revenir en arrière" sur "l'âge d'équilibre". "Voir que le compromis est à portée de main et le balayer pour une question de dogmatisme budgétaire est une profonde erreur", a-t-il déploré dans un entretien aux Echos.
La CFTC et l'Unsa, qui s'étaient impliquées dans la concertation, ont également appelé à la mobilisation.
Le 17 décembre, "il n'y aura que le Medef qui ne sera pas en grève", a ironisé le numéro un de la CGT, Philippe Martinez.
Le président du mouvement patronal, Geoffroy Roux de Bézieux, a de fait salué "un bon équilibre entre une réforme qui est redistributive" et la nécessité "quand c'est possible" de "travailler plus longtemps".
A contrario, FO a souhaité "renforcer la mobilisation". "Je reste dans le camp des opposants", a abondé François Hommeril (CFE-CGC).
"Que ça réagisse, on le savait. Mais est-ce qu'on pouvait décemment présenter quelque chose sans parler d'équilibre financier ?", a commenté un membre du gouvernement.
Selon le plan dévoilé par Edouard Philippe, l'âge légal restera à 62 ans, avec "un âge d'équilibre" progressivement amené à 64 ans et "un système de bonus-malus" pour inciter à travailler plus longtemps et équilibrer les comptes du système.
Coup de pouce pour la retraite minimum, prise en compte étendue de la pénibilité, revalorisation pour les enseignants, bonus pour les familles nombreuses, mise en oeuvre seulement à partir de la génération 1975, gouvernance du système confiée aux syndicats et au patronat...
"On a le sentiment d'avoir donné, bougé (...). On a entendu aussi que l'Etat ne décidait pas tout seul", a plaidé Matignon.
"La loi prévoira une règle d'or pour que la valeur du point acquis ne puisse pas baisser", a encore affirmé Edouard Philippe, répondant à l'une des principales inquiétudes suscitées par la réforme.
Transports toujours perturbés
La disparition des régimes spéciaux est confirmée mais, pour les fonctionnaires et les agents des régimes spéciaux dont l'âge légal de départ est de 52 ans, en particulier les conducteurs de la SNCF et de la RATP, la réforme s'appliquera à partir de la génération 1985.
Pour le Premier ministre, "les garanties données" justifient que la grève, "qui pénalise des millions de Français, s'arrête".
C'est au contraire à la "renforcer" à la SNCF qu'a appelé Laurent Brun (CGT-Cheminots). A la RATP, l'Unsa a appelé à "installer la mobilisation dans la durée".
Les prévisions de trafic pour jeudi sont quasi inchangées par rapport à mercredi: un TGV et un Transilien sur 4, 10 lignes du métro parisien fermées.
Des manifestations et rassemblements locaux sont prévus de Toulouse à Paris, où un défilé doit partir de Nation.
Le mécontentement déborde le secteur des transports. Le Conseil des barreaux votera des actions vendredi, et les principaux syndicats policiers menacent de "durcir" leur mobilisation. Les enseignants de la FSU ont appelé à la reconduction du mouvement.
Dans les rangs politiques, les oppositions ont rejeté le projet, "injuste" pour Jean-Luc Mélenchon (LFI) et Yannick Jadot (EELV), "régressif" pour Olivier Faure (PS).
"Cette réforme fait l'unanimité contre elle. Il faut la retirer", a insisté Fabien Roussel (PCF) lors d'un rare meeting unitaire de la gauche à Saint-Denis.
A droite, Guillaume Peltier (LR) a dénoncé "un enfumage", Marine Le Pen (RN) une réforme "terrible".
Le projet de loi sera prêt "à la fin de l'année", soumis au Conseil des ministres le 22 janvier et discuté au Parlement fin février.
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