A l'instar de l'adolescente suédoise Greta Thunberg, qui s'était rendue à New York en août depuis le Royaume-Uni à bord d'un voilier de course, les jeunes marins amateurs, d'une dizaine de nationalités différentes, voulaient sensibiliser sur le coût pour l'environnement des voyages en avion.
Mais en pleine traversée de l'Atlantique sur leur voilier, le "Regina Maris" - un majestueux trois mâts bleu - ils ont appris que la COP25 se tiendrait finalement à Madrid, et non plus au Chili, qui a renoncé à accueillir l'événement en raison d'un mouvement social sans précédent. Impossible pour le voilier de faire demi-tour, à cause des vents, et trop tard pour arriver à temps à Madrid.
Quand l'équipe coordinatrice a fait retentir la cloche du rassemblement pour annoncer la mauvaise nouvelle, Inès Bakhtaoui, une Française de 23 ans, diplômée en ingénierie des énergies renouvelables et en finance climatique, a été comme les autres, extrêmement déçue, a-t-elle confié à l'AFP, sur le bateau qui a jeté l'ancre dans la baie des Trois Ilets, lors d'une escale en Martinique.
Mais "aujourd'hui je suis très fière de ce qu'on est en train de faire, du fait qu'on va vivre une COP sans y être et qu'on a réussi à créer un mouvement encore plus grand en rassemblant des personnes qui suivaient le projet depuis l'Europe, et (...) qui vont aller à la COP pour nous", dit-elle.
Fini l'avion
Sur leur voilier, les jeunes marins organisent tous les jours des ateliers pour apprendre à construire une stratégie de lobby, réfléchir sur la mobilité durable, ses aspects culturels, ou encore plancher sur les mille et une façons dont on peut sensibiliser le monde politique.
"Voyager de manière lente requiert de la flexibilité et ça demande de n'avoir aucune attente parce que avoir des attentes ça provoque des déceptions parfois. C'est des rebondissements en permanence", reconnaît Inès.
Un avis que partage Catalina Von Hintebrand, une Germano-péruvienne de 29 ans, qui étudie aux Pays-Bas le développement durable et les conflits socio-environnementaux. "Personne n'a vraiment six semaines à prendre pour voyager. (...) Notre message est plus pour l'Europe et pour les voyages qui peuvent se faire en train, mais qui se font en avion".
"En ayant tellement de temps à bord, on peut réfléchir aux raisons pour lesquelles on voyage. Et ces raisons sont souvent des désirs créés par un système qui veut qu'on continue à se rendre à tel endroit en cinq minutes sans vraiment penser à pourquoi on y va", explique la jeune femme. "Je ne pourrai plus jamais monter dans un avion sans me rendre compte à quel point je suis en train de détruire des écosystèmes et d'influencer négativement la vie de gens".
Mais "on a eu l'idée avant Greta ou en tout cas on ne savait pas que c'était son plan. Tout a commencé avec quatre personnes. (...). Ils comptaient prendre un voilier qui se rendait déjà en Amérique latine. Mais leur projet a eu plus de succès" et au final 36 personnes sont parties. "Le fait que Greta ait fait ce voyage, c'est tout à fait symbolique", dit-elle.
Un symbole qui devrait, ils l'espèrent, faire des émules. Le 20 décembre, leur navire accostera en Colombie, où il restera jusqu'en février. Catalina compte s'installer quelques mois dans le pays ou au Pérou. D'autres regagneront l'Europe en cargo.
Pour la suite, "un des projets possibles" est de proposer à des jeunes d'Amérique latine de "faire le trajet retour du voilier vers l'Europe et participer aux intersessions de l'Onu en juin", explique Catalina.
Inès, elle, en ressort transformée. "Je me sens tellement grandie. Jamais je n'échangerais ma place contre quoi que ce soit."
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