Sur le banc des parties civiles, Jacky Kulik, le père de la victime, s'est effondré, en larmes, la famille et les proches présents derrière lui pleurant ou s'enlaçant. De son côté, Willy Bardon, abattu et tremblant, a été évacué hors de la salle d'audience après avoir avalé "quelque chose" - selon son avocat Stéphane Daquo - ressemblant à un cachet. Il a été pris en charge mais restait conscient.
A l'issue de 13 jours d'audience qui ont vu défiler 47 témoins et experts à la barre, relater les quelque 180 auditions menées par les enquêteurs, les jurés ont suivi les réquisitions de l'avocate générale, allant même au-delà en condamnant l'accusé pour le chef de viol.
Il s'agissait de juger des "atrocités" commises sur Elodie Kulik, employée de banque de 24 ans enlevée, violée, étranglée, puis brûlée en janvier 2002 à Tertry, à une vingtaine de kilomètres de Saint-Quentin (Aisne), a ainsi rappelé Ségolène Attolou. Avant de mourir, la jeune femme avait appelé les secours, un enregistrement glaçant de 26 secondes considéré comme la pièce maîtresse du dossier, qui a ébranlé la salle d'audience à de nombreuses reprises pendant deux semaines.
Si la participation de Grégory Wiart, décédé en 2003 et dont on avait retrouvé l'ADN sur la scène du crime en 2012, est "indéniable", les deux hommes entendus sur l'enregistrement "font forcément partie de ses ravisseurs" et "le seul proche" qui est "reconnu sur la bande" par plusieurs témoins est Willy Bardon, a enchaîné l'autre avocate générale, Anne-Laure Sandretto.
Alors qu'il était poursuivi pour "viol" et "meurtre", l'accusation avait réclamé jeudi à la cour d'ajouter une question "subsidiaire" à poser aux jurés: "Enlèvement et séquestration suivis de mort", ce qui a été approuvé.
"Dans ce dossier, nous avons 12 témoins" de l'entourage de Bardon, interrogés sur la bande sonore, parmi lesquels "six sont formels et le reconnaissent". Concernant les autres, deux ont dit aux enquêteurs avoir reconnu un "timbre" ou une "intonation" et Romuald J., considéré comme le frère de lait de l'accusé, a lui "changé son témoignage" au procès, a détaillé l'avocate générale.
"M. Kulik, je suis innocent, je vous jure je n'y étais pas !", a lancé Willy Bardon, des larmes dans la voix, après les plaidoiries de ses avocats et juste avant que le jury ne se retire pour délibérer.
"La conviction ne peut pas se résumer à une simple impression", avait affirmé plus tôt Me Stéphane Daquo, appelant à "passer au crible chaque élément du dossier" et suggérant de "déposer un bulletin blanc" en cas de doute.
- "Château de sable" -
L'avocat a détaillé méthodiquement toutes les "failles" de l'enquête, le fait "qu'on demande à Willy Bardon d'avoir un alibi" dix ans après les faits, qu'un témoin ait été poussé à appeler l'accusé pour le faire parler, ou encore "l'incompétence" et les "bidouillages" de certains enquêteurs lors des auditions. "Des pans entiers de l'enquête (...) ne sont pas sérieux", a-t-il jugé.
Par ailleurs, le timbre de voix, c'est un visage "flou", aperçu "de manière furtive", surtout avec cette bande sonore de qualité "médiocre", a-t-il poursuivi, insistant sur le manque de "rigueur scientifique" du seul élément matériel à charge.
"Vous l'acquitterez, parce que cette bande est inaudible (…) et parce qu'il est innocent", a-t-il plaidé.
Evoquant les comportements et désirs sexuels troublants, les traits de personnalité reprochés à Willy Bardon, Me Marc Bailly, autre avocat de la défense, a dénoncé un "procès des intuitions, des rumeurs, des ragots", une accusation basée sur "un château de sable". "Personne n'est venu nous expliquer comment on est passé d'un comportement misogyne (...) à un crime", a-t-il fustigé.
L'enquête a été "déloyale", "scandaleuse", "profondément à charge", tournant dès le départ autour de Willy Bardon, a enfin jugé le troisième avocat, Gabriel Dumenil. Ce procès est celui "de la voix" mais "l'ADN de Willy Bardon, on ne l'a pas!", a-t-il ajouté.
Après dix années d'enquête sans suspect, puis la découverte d'un suspect déjà mort, les gendarmes étaient "soumis à la pression" hiérarchique, politique, a affirmé Me Dumenil. "Il fallait trouver un coupable vivant, coûte que coûte (...) quitte à en fabriquer un".
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