Les plus jeunes, les plus faibles et les plus âgés étaient immédiatement envoyés à la mort dans les chambres à gaz.
Pour sa première visite vendredi dans cet ancien camp nazi situé dans la Pologne actuelle, Angela Merkel a reconnu qu'il lui était "tout sauf facile" de se tenir dans ce lieu en raison de "la honte profonde" qui l'habite face aux "crimes commis par des Allemands".
"Des crimes", a-t-elle insisté, la voix altérée par l'émotion, "qui dépassent les limites de ce qui est concevable".
Sur la rampe, la dirigeante allemande, née neuf ans après la fin de la Seconde guerre mondiale, s'arrête longuement devant un wagon à bestiaux, l'un de ceux qui ont transporté plus d'un million de personnes, principalement des Juifs, assassinées dans ce camp figé par un froid sibérien et dont l'étendue sidère les visiteurs.
Fils barbelés
Des baraques, encadrées de fils barbelés et de poteaux en béton, ponctuent le long quai où arrivaient les trains.
Des corbeaux planent au-dessus des arbres noirs et faméliques, le sol est parsemé de taches de neige verglacée. Une lumière blanche, rasante, éclaire l'entrée en briques rouges de Birkenau.
A quelques mètres de la chancelière sont exposées à ciel ouvert des photos en noir et blanc prises en 1944 par des SS allemands. Ces clichés montrent des enfants, casquettes sur la tête, se tenant la main. "Des Juifs sélectionnés par les SS pour une mort immédiate dans les chambres à gaz du crématorium IV et V", explique la légende.
Parmi les enfants qui ont survécu à Auschwitz, Bogdan Bartnikowski, qui avait 12 ans lorsqu'il y fut déporté avec sa mère, après l'insurrection de Varsovie le 12 août 1944. Agé aujourd'hui de 87 ans, le vieil homme a raconté au cours d'une cérémonie les heures qui ont suivi son arrivée à Auschwitz et où il eut le sentiment de se retrouver dans une "antichambre de l'enfer".
"Ce fut un grand choc. Tout à coup j'ai dû me déshabiller (...) Toutes les femmes étaient nues, ma mère était nue", a-t-il expliqué.
"Pas d'autre issue"
Plus tard, des prisonniers promus kapos, chargés d'encadrer les déportés, lui diront, à lui et à d'autres enfants: "il n'y a ici qu'un chemin vers la liberté, celui qui passe par les cheminées", celles des fours crématoires.
Après ce témoignage bouleversant, Angela Merkel, accompagnée notamment du Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki et de représentants de la communauté juive, a longé les ruines des chambres à gaz détruites par les nazis avant que l'Armée rouge ne libère Auschwitz-Birkenau le 27 janvier 1945.
Les soldats soviétiques y avaient découvert des milliers de détenus hagards, affamés, parmi lesquels l'écrivain italien Primo Levi.
Près de 75 ans plus tard, le camp continue d'attirer un nombre record de visiteurs. Parmi eux, des groupes scolaires qui franchissent, comme Angela Merkel en matinée, le portail surmonté de la sinistre devise nazie: "Arbeit macht frei" ("Le travail rend libre").
Pavel Chaloupecky, 40 ans, enseignant de français et d'anglais dans un lycée de Prague, effectue sa quatrième visite à Auschwitz.
"La première fois, ce fut un choc absolu. Auschwitz, c'est la suppression calculée et totale de l'humain", juge ce Praguois de 40 ans venu avec 35 élèves de terminale.
"A chaque visite, mon expérience devient plus intime. J'ai remarqué par exemple les marches d'escalier usées par les bottes des nazis. Je me suis dit que mes chaussures montaient sur les mêmes marches que ces gens", poursuit cet homme dont la grand-mère fut déportée à Auschwitz.
"Ma grand-mère ne parlait pas, elle avait peur de se retrouver face à une incompréhension totale", explique-t-il. Seuls les chiffres tatoués sur son avant-bras venaient rappeler son terrible destin.
A l'heure où sont en train de disparaître les derniers témoins de la Shoah, Angela Merkel a aussi rendu un hommage aux survivants qui ont témoigné "avec force et courage" de leur calvaire, durant des décennies.
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