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Les Yvelines, inattendu port d'attache des demandeurs d'asile tibétains

Des chaînes de l'Himalaya aux rives de la Seine: depuis plusieurs années, des Tibétains en exil affluent dans les Yvelines, attendant l'asile dans des campements provisoires dont l'ampleur commence à inquiéter les autorités.

Les Yvelines, inattendu port d'attache des demandeurs d'asile tibétains
Des Tibétains en exil affluent dans les Yvelines, attendant l'asile dans des campements provisoires dont l'ampleur commence à inquiéter les autorités - Christophe ARCHAMBAULT [AFP]

Parmi ces exilés, Tenzin, 26 ans. Dans une autre vie, elle était nomade et gardait des yacks au Tibet avec sa mère. Aujourd'hui, la jeune femme est installée sur un campement à Achères, en bordure de forêt de Saint-Germain-en-Laye, où 700 à 800 personnes se pressent sous les tentes, dans le froid et la boue.

Un campement monté début août après que d'autres eurent été démantelés aux environs, l'un après l'autre, par la préfecture.

Sous les bâches en plastique, pavoisées ça et là de drapeaux tibétains ou du club du PSG dont le camp d'entraînement est tout proche, les demandeurs d'asile patientent, aidés par les associations et les bonnes volontés locales.

Il faut "six mois" en moyenne pour obtenir le statut de réfugié, explique Michelle Béharel, présidente de la section locale de la Ligue des droits de l'Homme. L'asile, précise-t-elle, est octroyé quasi systématiquement aux ressortissants du Tibet, territoire occupé par la Chine depuis les années 1950.

La jeune Tenzin explique avoir dû partir parce que son père était un fervent défenseur de la culture tibétaine, passé par les geôles chinoises. A sa mort, ses poèmes ont tous été "brûlés par les soldats" de Pékin, raconte-t-elle. Alors sa mère lui a intimé l'ordre de partir.

"Elle ne voulait pas que je finisse comme mon père", souffle la jeune femme qui dit ignorer combien ses proches ont payé pour financer ce voyage sans retour. Des chiffres de 12.000 à 20.000 euros circulent autour du campement d'Achères.

Tenzin veut désormais entamer une nouvelle existence et, pourquoi pas, "travailler un jour dans un aéroport" ou comme "guide".

A ses côtés, Nangsel (prénom d'emprunt), 30 ans. Cette artiste a rejoint elle aussi la communauté tibétaine en exil après la mort en prison de son père, opposant au gouvernement chinois.

Depuis juillet, elle attend sa régularisation et malgré les "difficultés administratives", elle se dit "heureuse de pouvoir chanter librement" à la gloire du Dalaï Lama et du Tibet.

Le mot "liberté" est sur toutes les bouches ici.

"Arche de Noé"

Comme beaucoup d'autres, Tenzin et Nangsel ont transité par le Népal après avoir traversé l'Himalaya sans papiers. La Chine n'octroie généralement pas de passeport aux Tibétains.

D'autres choisissent de transiter par l'Inde, pays où le gouvernement en exil du Dalaï Lama s'est installé voilà 60 ans.

Mais l'Inde comme le Népal n'adhèrent pas à la convention de Genève et n'offrent donc jamais la possibilité à ces exilés ni à leur descendance d'obtenir le statut de réfugié, explique Françoise Robin, spécialiste de la culture tibétaine enseignante à l'Institut national des langues et civilisations orientales. Difficile dans ces conditions de se former, de travailler, de se déplacer, même à l'intérieur du pays.

Dans ce contexte, la France est vue comme un havre de paix. Surtout depuis que des pays comme la Suisse ont récemment restreint leur politique d'accueil de cette population.

Et la région de Conflans-Sainte-Honorine est étrangement devenue le point de ralliement pour les Tibétains, une "arche de Noé" depuis le début des années 2010, sourit Hugues Fresneau, directeur de La Pierre Blanche, association qui s'occupe des plus démunis depuis plus de 30 ans.

Installée sur une péniche amarrée sur le port de Conflans, l'association leur permet d'avoir une domiciliation, les aide pour leurs démarches administratives et fournit vêtements, repas chauds, douche et quelques places d'hébergement.

"Ils nous disent qu'on est connu au Tibet et en Inde ou au Népal" mais "c'est une notoriété dont on se serait bien passé", confesse M. Fresneau.

"Stopper la filière"

En sous-préfecture de Saint-Germain-en-Laye, on souligne surtout que "la difficulté" réside dans le fait "qu'ils viennent tous au même endroit", étant très "attachés à leur communauté".

Or les structures d'hébergement sont "engorgées en Ile-de-France", notamment à cause de l'évacuation des camps de migrants porte de La Chapelle à Paris, note le sous-préfet Stéphane Grauvogel.

Mardi, le campement d'Achères doit être démantelé à son tour et ses occupants mis à l'abri pour l'hiver dans des gymnases du département.

Pour éviter qu'un campement ne se reforme au printemps, des "hébergements en province" seront proposés, explique M. Grauvogel.

Car le problème des campements sauvages est désormais récurrent et suscite des inquiétudes au niveau local.

"Depuis septembre, on a écrit à la terre entière: à M. Macron, au président du Sénat, au ministre de l'Intérieur. On nous a répondu que le ministère cherchait des solutions", peste-t-on en mairie d'Achères.

Laurent Brosse, maire DVD de Conflans-Sainte-Honorine, s'alarme lui aussi: ce flux "ne pose pas de problème de sécurité publique", mais "les solutions d'hébergement se raréfient" localement "vu l'afflux massif".

Pour l'édile, la seule "solution pérenne" serait de "stopper la filière".

L'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui octroie l'asile, ne donne pas le nombre des Tibétains qui entrent en France chaque année, les classant parmi les demandeurs chinois.

Mais selon Mme Robin, ils seraient actuellement 8.000 au total à résider dans l'Hexagone. Beaucoup, une fois leurs papiers obtenus, travaillent dans des restaurants chinois, pour partie déclarés, pour partie au noir. Le but étant de payer rapidement les dettes contractées pour financer leur passage en France.

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