Un point sur l'industrie de l'or noir du deuxième producteur de l'Opep, et l'impact potentiel des troubles sur les marchés mondiaux.
Le pétrole est-il touché?
Pas du tout, ou presque.
"Toutes nos stations, nos réserves et nos lignes de transport fonctionnent", a assuré dimanche, quelques heures avant la démission du gouvernement, le ministre du Pétrole Thamer al-Ghadbane.
Depuis le début le 1er octobre de manifestations contre le pouvoir à Bagdad et son parrain iranien, il y a bien eu des sit-ins et des blocages de routes dans le sud pétrolier, notamment celles menant aux champs de Nassiriya, Garraf et Soubba.
Les manifestants ont également coupé un temps la route aux employés du port de Khor al-Zoubeir, uniquement le matin. Mais les équipes ont modifié leurs horaires de rotation, indiquent à l'AFP des employés et responsables du secteur.
Seul un champ, Qayyara, dans le nord, où aucune manifestation n'a eu lieu, a été réellement impacté. Durant plusieurs jours, ses camions n'ont pas pu rallier le sud. Mais sa production s'élève seulement à 30.000 barils par jour, une goutte dans les 3,6 millions de barils exportés chaque jour en moyenne par l'Irak.
Et ce chiffre n'a quasiment pas varié, avec respectivement 3,4 et 3,5 millions en octobre et novembre.
Certes, "la situation est périlleuse, mais elle est encore sous contrôle", affirme à l'AFP Ruba Husari, experte du pétrole irakien.
Pourquoi un si faible impact?
L'industrie pétrolière irakienne repose sur des champs, des raffineries et des plateformes d'exportation en mer qui, tous, "ont un faible degré de vulnérabilité" face à des troubles venus de l'extérieur, explique Mme Husari.
Les champs sont des îlots de production qui peuvent survivre en autosuffisance. De nombreuses raffineries se trouvent dans le nord, qui n'a pas été touché par la révolte. Et les exportations se font majoritairement par oléoducs et non par la route.
En outre, le ministère du Pétrole a des réserves pour alimenter la consommation locale et les forces de l'ordre ont mené plusieurs dispersions meurtrières aux portes des installations pétrolières ou des ports.
Enfin, "les employés du secteur pétrolier sont les fonctionnaires les mieux payés d'Irak", et ils sont moins réactifs aux appels à la grève, suivis par les enseignants ou encore les ingénieurs, note Ruba Husari.
Quels risques aujourd'hui?
Les fermetures temporaires du port de Khor al-Zoubeir n'ont pas excédé deux ou trois jours jusqu'ici. Des interruptions plus longues seraient "problématiques", notamment car les capacités de stockage sont limitées, juge Mme Husari.
L'Irak qui ne produit qu'une faible part de carburants raffinés pourrait aussi subir des pénuries ou une flambée des prix à la pompe.
Le vrai danger serait un long blocage devant ou sur le site d'un des grands champs du pays, comme Roumaïla ou Qurna occidental.
"Si la production est arrêtée sur un champ majeur, l'impact sera énorme", prévient l'experte. Mais, nuance-t-elle aussitôt, "on est encore loin" de ce scénario.
Et après?
L'or noir est l'unique ressource en devises de l'Irak et représente 90% de ses recettes. Un tarissement de son flot serait un coup dur pour le gouvernement surendetté mais aussi pour l'économie nationale qui n'a jusqu'ici pas été touchée par les manifestations.
Au niveau mondial, "une baisse forte --et longue-- des exportations irakiennes aurait un réel impact sur les prix", ajoute Noam Raydan, experte de ClipperData, qui suit les mouvements des pétroliers.
Bagdad --qui historiquement n'a cessé de dépasser les quotas de l'Opep-- assure qu'elle réduira sa production, comme l'a décidé l'organisation pour pousser les prix à la hausse après une chute de 40% entre 2014 et 2019.
L'objectif initial était de baisser la production de 1,2 million de barils par jour à partir de janvier 2019 et l'Opep doit discuter de réductions supérieures les 5 et 6 décembre à Vienne, indique M. Ghadbane.
"Le bon sens est de maintenir cette baisse et de réduire les exportations, peut-être de 400.000 barils par jour", assure-t-il. "Et l'Irak y est engagé".
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