Dans un pays où les balles font près de 40.000 morts par an, suicides compris, la haute Cour se replonge dans le deuxième amendement de la Constitution, qui mentionne un droit "du peuple" à détenir et porter des armes.
En 2008, dans un arrêt qui a fait date, la Cour suprême avait jugé que cet article garantissait un droit "individuel", mais "pas absolu", à posséder une arme. Et elle avait invalidé une loi qui interdisait les armes de poing à Washington.
En 2010, elle a précisé que sa décision s'appliquait aussi bien aux Etats qu'au niveau fédéral.
"Mais elle n'a pas dit comment les tribunaux devaient évaluer la constitutionnalité d'autres règlementations, par exemple l'interdiction des fusils d'assaut, des chargeurs à grande capacité ou l'obligation de dissimuler ses armes", relève Joseph Blocher, professeur de droit à l'université Duke en Caroline du Nord.
La Cour suprême a ensuite systématiquement écarté les recours qui lui étaient adressés, et certains Etats et municipalités ont pu conserver des règles restrictives au nom de la sécurité publique.
Cette année, pour la première fois, la haute juridiction a accepté de se pencher sur des limites au port d'armes à New York, contestées par une association affiliée au puissant lobby National Rifle association (NRA).
"Histoire et traditions"
Les partisans du contrôle des armes craignent qu'elle n'en profite pour rendre une décision contraire à leur cause.
"Les plaignants poussent pour une interprétation extrême de la Constitution et veulent entraîner la Cour suprême dans leur dangereux projet politique: éliminer toutes les mesures de bon sens sur les armes", a notamment tweeté l'organisation Moms Demand Action.
Ces craintes sont alimentées par le remplacement de deux des neuf sages de la Cour depuis l'élection de Donald Trump, qui avait promis pendant sa campagne de choisir uniquement des juges défenseurs du droit au port d'armes.
Et l'un d'eux, le magistrat Brett Kavanaugh, "a écrit que les lois sur les armes devaient être évaluées au regard des textes, de l'Histoire et des traditions et non pas de leur efficacité à résoudre le problème actuel des violences par balles", souligne Joseph Blocher.
C'est cette Cour profondément remaniée qui s'est saisie en début d'année de la loi new-yorkaise. Adoptée en 2013 et validée par les tribunaux, elle interdisait de transporter des armes en dehors des stands de tirs de la ville.
En juin, les autorités de la mégalopole l'ont amendée dans l'espoir de mettre un terme à la procédure. Comme elles ont donné satisfaction aux plaignants, elles arguent que le dossier est caduc et demandent à la Cour Suprême de le refermer.
Cette hypothèse sera le premier point débattu à l'audience.
"Le cadavre d'un ami"
L'affaire suscite un énorme intérêt dans un pays où 30% des adultes possèdent au moins une arme et une cinquantaine d'organisations se sont jointes à la procédure.
Parmi elles, le gouvernement de Donald Trump a apporté son soutien aux propriétaires d'armes dans un argumentaire faisant écho aux thèses du juge Kavanaugh.
Dans l'autre camp, le mouvement March for Our Lives, créé après la tuerie dans un lycée de Parkland en Floride (17 morts en 2018), a délaissé les arguments juridiques pour tenter de toucher les juges au coeur.
Sur une vingtaine de pages, l'organisation raconte les tourments de jeunes Américains: l'une a survécu à une fusillade "cachée derrière le cadavre d'un ami", une autre a été blessée à la tête par une balle perdue, une troisième a perdu un frère dans des violences entre gangs...
Ils "représentent les dizaines de milliers de jeunes qui souffrent chaque jour de la violence des armes et demandent que la classe politique les protège", écrit-elle. "La décision de la Cour ne doit pas les priver de leurs espoirs."
Si la haute juridiction ne juge pas le dossier caduc, elle rendra sa décision d'ici au mois de juin, en pleine campagne pour la présidentielle de 2020.
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