Dans la perspective d'un mouvement de grève qui promet d'être massif et potentiellement durable, l'exécutif multiplie les réunions pour établir une ligne de défense commune autour de cette réforme emblématique voulue par Emmanuel Macron.
Vendredi déjà, plusieurs ministres se sont rencontrés à Matignon pour passer en revue les plans de continuité des services publics en cas de blocage du pays: organisation des transports, accueil dans les écoles et les hôpitaux, télétravail,...
Car c'est bien un jeudi noir qui s'annonce. SNCF, RATP, Air France, contrôleurs aériens, EDF, poids lourds, raffineries, enseignants, étudiants, policiers, avocats, magistrats, éboueurs... la mobilisation contre le projet de fusion des 42 régimes de retraite existants en un système universel par points s'annonce importante, alors que la CGT, FO, la FSU et Solidaires ont appelé à une grève interprofessionnelle.
De quoi faire craindre à l'exécutif une répétition de 1995 lorsque le Premier ministre Alain Juppé, sous la pression de la rue, avait dû reculer sur sa réforme des régimes spéciaux.
"Je pense qu'il y aura une mobilisation forte des organisations syndicales et un risque de blocage à la RATP et à la SNCF", concède le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner avant d'insister toutefois: "n'intériorisez pas le fait que l'on reculera sur les retraites, ce ne sera pas le cas car cette réforme est juste".
"Nous n'échouerons pas, la réforme se fera", abonde le ministre de l'Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin dans le JDD, ajoutant qu'"on a du mal à comprendre pourquoi l'Etat verse chaque année 8 milliards d'euros" pour équilibrer les régimes spéciaux "sur nos impôts".
A Matignon dimanche après-midi, il s'agira une nouvelle fois de "travailler à la mobilisation complète de l'Etat pour limiter au maximum l'impact de la grève pour les Français", selon l'entourage d'Edouard Philippe, missionné en première ligne par Emmanuel Macron sur ce dossier explosif.
Intransigeant mais "sans brutalité"
Mais l'objet de la réunion est aussi de faire le point sur les discussions avec les syndicats et, selon un membre du gouvernement, de cultiver "une réflexion stratégique sur la suite" en se projetant au-delà du 5 décembre.
Le gouvernement craint surtout que la mobilisation s'étende au-delà de quelques catégories et vire à la crise sociale d'ampleur. Il envisage avec une certaine angoisse la journée d'action des "gilets jaunes" prévue le samedi 7 décembre, un an pile après le pic de violence de leur mouvement.
Jeudi, plus de 150 manifestations sont prévues, dont une à Paris dans l'après-midi.
"Comme pour toute manifestation, on peut craindre que des casseurs et des gilets jaunes radicalisés s'en mêlent, souligne Christophe Castaner. Mais il faut aussi rappeler la responsabilités des organisations syndicales, elles ont un vrai savoir-faire. Elles se sont d'ailleurs engagées à mobiliser beaucoup de monde dans la gestion du service d'ordre. La préfecture de police prépare cela avec elles."
Opposé à un front constitué par la CGT, FO et les cadres de la CFE-CGC, le gouvernement redoute que la contestation s'élargisse à la CFDT, dont le soutien à la réforme ne tient plus qu'à un fil, alors que sa fédération de cheminots a elle-même déposé un préavis de grève.
Accusé par l'opposition d'entretenir volontairement le flou sur ses intentions, l'exécutif a envoyé ces derniers jours des signaux à la fois d'ouverture et de fermeté. Intransigeant sur l'objectif. Mais ouvert à la discussion et soucieux d'un dialogue "sans brutalité", selon les mots d'Edouard Philippe.
Quitte à lâcher du lest sur des thèmes chers aux syndicats, comme les droits familiaux, la pénibilité ou les "garanties" attendues par les enseignants.
Voire à décaler l'entrée en vigueur de la réforme au-delà de 2025. "Il y a plusieurs dates d'entrée possibles de la réforme. C'est une discussion que l'on doit avoir", souligne Gérald Darmanin, tout en ajoutant: "c'est certain" qu'il faudra travailler plus.
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