Vêtu d'une veste sombre et accompagné par ses avocats, il a dû fendre une nuée de journalistes pour gagner une salle d'audience bondée jeudi, comme en première instance.
Entendu dans la matinée par la cour, l'archevêque de Lyon, 69 ans, a défendu la même position que lors de son premier procès où les juges l'avaient déclaré coupable d'avoir gardé le silence sur les agressions commises sur de jeunes scouts, bien avant son arrivée à Lyon en 2002, par le père Bernard Preynat. Défroqué en juillet, ce dernier doit être jugé en janvier.
Quand le cardinal a-t-il eu vent du passé de ce prêtre ? La question est au coeur du dossier et le prélat reste flou. Fin septembre 2002 pourtant, son agenda l'amène dans la paroisse de Preynat. "On entend des bruits, il y a des +trucs+, quelque chose de louche, mais personne ne dit rien de précis", affirme-t-il.
En 2010, en plein scandale de pédophilie en Irlande, il explique avoir convoqué le prêtre, à l'occasion d'un changement d'affectation, pour "avoir le coeur net" sur ces "rumeurs". Mais comme en première instance, il concède seulement "avoir cru" Preynat quand celui-ci lui affirme alors que ses agissements ont cessé en 1991, sans les détailler, selon ses dires.
C'est en 2014, en rencontrant Alexandre Hezez, une victime de Preynat, que l'archevêque aurait appris le détail des agressions et les dizaines de victimes.
"Les faits pour lui étaient prescrits et empêchaient une action devant la justice, j'ai donc agi devant mon autorité à moi, celle de Rome", se défend Philippe Barbarin. L'idée d'en parler à la justice n'est passée "ni dans sa tête, ni dans la mienne".
En 2015, M. Hezez a finalement porté plainte auprès du parquet de Lyon, malgré cette prescription, déclenchant l'ouverture d'une enquête sur Preynat, dont neuf victimes ont ensuite poursuivi le cardinal pour non-dénonciation.
Mais celui-ci dément avoir voulu cacher quoi que ce soit. "Il n'y a pas eu d'infraction parce qu'il n'a jamais eu l'intention de le faire", renchérit son avocat, Jean-Félix Luciani.
"Naufrage spirituel"
Le 7 mars, la décision du tribunal correctionnel de Lyon s'était abattue comme la foudre sur l'Eglise de France à travers son plus haut dignitaire, qui s'est vu infliger six mois de prison avec sursis.
S'il avait fait acte de repentance devant la justice divine au cours d'une messe médiatisée en 2016, s'attribuant surtout des "erreurs de gouvernance", Mgr Barbarin a fait appel. Il a également remis sa démission au pape, qui l'a refusée au motif, précisément, que son jugement n'était pas définitif.
"Que le guide spirituel vienne faire valoir une prescription (des faits, ndlr) en cours d'appel, c'est un naufrage spirituel en fait. C'est ne rien avoir compris du message évangélique", a déploré avant l'ouverture des débats François Devaux, président de l'association de victimes La Parole libérée qui a porté la procédure.
La question de la prescription constitue un élément central du procès en appel.
En première instance, le tribunal a considéré le délit de non-dénonciation comme "instantané" et que le cardinal s'en était rendu coupable par deux fois: en 2010 - ce qui tombe sous le coup de la prescription, dont le délai est de trois ans - puis en 2014, quand il reçoit M. Hezez.
La défense du cardinal, menée par Me Jean-Félix Luciani, conteste cette analyse, demandant à la cour d'expliquer "comment des faits, constitués en 2010 mais prescrits depuis, auraient pu revivre en 2014".
Pour les parties civiles, le délit reproché au cardinal doit être considéré comme "continu" dans le temps, ce qui aurait pour conséquence de ne faire démarrer la prescription qu'en 2015, quand la justice fut informée par M. Hezez.
De ce que "plein d'autres gens savaient" déjà, objecte le Primat des Gaules.
"Je pourrais vous donner les noms d'une quinzaine de familles qui savaient et qui regrettent aujourd'hui de n'avoir rien dit (...). Une victime m'a dit: je vous attaque vous car je ne vais pas attaquer mon père quand même", se défend-il sans sourciller.
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